L’Église protestante ouvre une nouvelle page

Châteauroux. Réformateurs et luthériens ont fêté, dimanche, la naissance de l’Église protestante unie de France.

Dans le monde religieux, l’événement est passé presque inaperçu au mois de mai : l’Église réformée et de l’Église évangélique luthérienne se sont regroupées pour créer l’Église protestante unie de France. 53 ans après l’appel à l’union lancé par le pasteur Casalis et de nombreux débats depuis 1960.
Dimanche, au temple de Châteauroux, le pasteur Alfonso avait invité ses paroissiens à un culte inaugural. « Cette union n’est pas un aboutissement, mais plutôt un commencement, note le pasteur. Car à la base, luthériens et réformateurs la vivent depuis longtemps même si nos pratiques ne sont pas les mêmes. Aucune Église ne peut remplir seule sa mission, parce qu’aucune Église n’est à elle seule l’Église de Jésus-Christ », poursuit le pasteur.

 “ Cette union est un commencement ”

Dans les faits, cette union touche surtout aux structures institutionnelles, qui organisent désormais l’Église protestante en dix grandes régions et 450 paroisses. Celle de Châteauroux appartient à la Région Ouest, dont le siège est à Tours et recouvre deux départements, l’Indre et la Creuse. Elle accueille en son sein deux cents familles et quatre-vingts inscrits sur la liste électorale. Car ces familles votent, en effet, tous les quatre ans pour élire un conseil presbytéral, qui élit à son tour un synode régional composé de laïcs et de pasteurs. Des délégués seront enfin élus au conseil national.
L’Église protestante unie vit en effet selon un mode de décision local et national. « Le principe est de prendre en compte le plus largement possible la diversité (théologique, ecclésiale, liturgique) existant dans les deux églises, avec la volonté de s’en enrichir et, sur cette diversité, de proposer un témoignage commun ».
Une seule Église nationale, un seul synode national et un seul corps de pasteurs. « Pour nous, tout ce qui rassemble est une bonne chose. Même si les traditions sont différentes, elles se sont harmonisées au fil du temps. L’union, en elle-même, ne changera pas grand-chose à nos pratiques et nous continuerons à travaillons dans un esprit œcuménique. »

en chiffres

> 1,5 million de personnes se disent protestantes de conviction en France (3 % de la population).
> 400.000 participent à la vie de l’Église protestante unie de France.
> 1960. A l’assemblée du protestantisme français, le pasteur Georges Casalis lance le projet d’une église évangélique unie.
> 1969. Création du conseil permanent luthéro-réformé où les Églises se rencontrent.
> 1973. Les églises luthériennes et réformées de l’Europe adoptent un texte, « La Concorde de Leuenberg », qui constate leur accord sur l’essentiel.
> 2006. Les Alsaciens franchissent une étape en créant l’Union des églises protestantes d’Alsace et de Lorraine. Le processus d’union est en marche.
> 2012. Les textes constitutifs de la future Église protestante unie de France sont votés par les synodes conjoints de Belfort.
> 2013. Premier synode nationale de l’Église protestante unie de France (réunissant luthériens et réformés) à Lyon.

Un centre de formation en alternance pour pasteurs

Une église évangélique se crée tous les dix jours en France. A Loches, une “ pépinière ” de pasteurs est l’un des rouages de ce dynamisme religieux.

Floriane Héritier joue quelques notes de piano. On entend la musique depuis la rue. Les grandes baies vitrées du centre paroissial évangélique de Loches, créé en 2010, invitent à jeter un coup d’œil à l’intérieur. Une guitare est posée près du piano. Au fond, un babyfoot semble attendre les compétiteurs. Sur la table basse entourée de canapés, la NR et… des piles de Bibles. Accès au wifi en prime. C’est dans cette salle lumineuse que, tous les dimanches après-midis, une cinquantaine de personnes se réunit pour le culte.

Le dimanche matin, le groupe est plus restreint. Dans une pièce voisine, équipée notamment pour des vidéoconférences, quatre « étudiants » viennent se former. A 24 et 29 ans, Floriane et Raphaël Héritier sont pratiquement arrivés au bout de leur apprentissage, qui dure deux ans. Bientôt, ils quitteront Loches pour Langeais, où ils implanteront une nouvelle église évangélique (1).

Formation en alternance

« Nous cherchions une commune où il y ait une vie dans le centre-ville. Et autour de Langeais, il y a un bassin de population de 25.000 habitants », explique Raphaël Héritier. Il est menuisier auto-entrepreneur, son épouse Floriane intermittente du spectacle. « C’est l’idée derrière ce centre de formation pilote : permettre l’accès à la formation à des personnes qui ont déjà une profession. Ainsi, elles sont dans le jus de la société », souligne le pasteur de Loches Raphaël Anzenberger.
La formation se fait donc par alternance. « La première année (2) est principalement axée sur la communication et la prédication. Apprendre à faire une homélie : comment, en 15-20 minutes, délivrer un message adapté à un public qui n’est pas connaisseur. On n’estime pas d’emblée que les gens savent de quoi l’on parle mais que c’est à nous de faire l’effort. » Une des clefs du succès actuel des évangéliques ?

 (1) L’inauguration est prévue mi-octobre. (2) La deuxième année touche davantage aux modalités concrètes de création d’une église (comptabilité, droit associatif, normes de sécurité…)

la question

Et le mariage homo ?

« C’est un mauvais choix de société », répond clairement le pasteur évangélique de Loches Raphaël Anzenberger (lire par ailleurs). « Notre église accueille tout le monde, y compris des homosexuels bien sûr. Mais nos critiques portent sur le fondement du projet de loi. Il introduit un changement du rapport à la filiation extrêmement dangereux. »

repères

L’ ” ADN des évangéliques “

> Idées reçues. « C’est dans l’ADN des évangéliques de créer des églises », indique Jean-Pierre Dupont, délégué départemental du conseil national des évangéliques de France (Cnef). Il tient à tordre le coup à ce qu’il juge être des idées reçues : « Nous ne sommes pas un nouveau mouvement religieux en provenance des États-Unis. Les évangéliques sont apparus en France dès la Réforme protestante. Persécutés, les évangéliques français ont dû fuir la France pour l’Amérique, où ils se sont développés », avant de revenir. Il avance le chiffre de 460.000 évangéliques en France.
> Les bases. « La Bible seule, la foi seule, la grâce seule », énonce d’un trait Jean-Pierre Dupont. Les évangéliques ne baptisent pas les enfants : « On n’est pas évangéliques de père en fils. Cela exige l’engagement de chaque croyant. » Les baptêmes n’interviennent qu’à l’âge adulte « quand on décide de devenir disciple du Christ, ou non ».
> Quelle différence avec l’église protestante « classique » ? « Les évangéliques défendent une séparation nette avec l’État. Une conception très moderne par rapport à la laïcité », assure Jean-Pierre Dupont.
> Pourquoi s’être implanté à Loches ? « Nous sommes venus dans la région car nous avons estimé qu’elle était en souffrance en terme de nombre d’églises. Pour certains croyants, il fallait faire plus d’une heure de voiture pour se rendre à un culte. C’était inacceptable », explique le pasteur de Loches Raphaël Anzenberger. Nationalement, le Cnef souhaite parvenir à une église évangélique pour 10.000 habitants. Pour le moment, le rapport est d’une église pour 25.000 habitants.
> Financement. Selon la brochure du Cnef, « les églises protestantes évangéliques sont financées par leurs membres qui donnent librement, régulièrement des contributions. […] Les évangéliques financent eux-mêmes entièrement leurs lieux de culte ».

Ils revendiquent le prêche itinérant

La communauté tsigane de la Mission évangélique est arrivée dimanche. La semaine sera animée par des rendez-vous religieux quotidiens.

Les premières caravanes sont arrivées vers 16 h dimanche. « Nous venons de Gien où nous avons eu un gros rassemblement, nous étions près de 30.000 », raconte Manuel Winterstein, l’un des trois pasteurs de la communauté tsigane Vie et lumière. Réunie en ce début de printemps, cette communauté religieuse s’est ensuite séparée et chaque groupe est reparti sur la route. « Notre but, c’est de prêcher l’évangile et le Christ, qu’on soit blanc, noir, sédentaire ou pas, on le fait pour tout le monde. »

La communauté a donc écrit il y a quelques semaines de cela à la municipalité de Vendôme afin de savoir s’il était possible de s’y arrêter. « Il faut leur dire un grand merci, on a été très bien reçus. » Sur les bords du terrain, un générateur a pu être installé tandis que les secours ont donné l’autorisation d’utiliser la vanne incendie. « On est environ une cinquantaine de caravanes, une dizaine arrivera peut-être encore demain (aujourd’hui, NDLR) », détaille le pasteur.

Une célébration par jour

Les derniers arrivés découvriront donc le chapiteau déjà dressé. C’est en effet sous la toile que chaque jour, à 20 h, se réuniront les pasteurs et la communauté. « Nous sommes reconnus depuis 1975 par la fédération protestante. En tant que pasteurs, nous voulons que notre peuple croie et ramener les brebis égarées. » Les termes sont volontairement très bibliques, le but des trois hommes qui officient et de leurs stagiaires (un centre religieux est installé à Gien) est donc de « comme cela se faisait dans les anciens temps, de porter la parole de Jésus ». Le rassemblement n’est donc pas neutre. Les hommes de foi espèrent convaincre ou persuader le maximum de personnes. « À chaque réunion, on appelle chaque personne à changer de vie pour qu’ils acceptent Jésus. » Le mouvement compte 2.000 prédicateurs dispersés dans des groupes « plus ou moins grands selon les possibilités d’accueil des communes ».
Les messes célébrées chaque jour à 20 h sont donc ouvertes à tous « ceux qui le veulent et peuvent nous rejoindre », encourage Manuel Winterstein. Elles auront lieu jusqu’à vendredi, la communauté reprend la route samedi. « Nous avons un gros rassemblement en août et ensuite, à l’automne, nous repartons tous dans nos régions. »