Un centre de formation en alternance pour pasteurs

Une église évangélique se crée tous les dix jours en France. A Loches, une “ pépinière ” de pasteurs est l’un des rouages de ce dynamisme religieux.

Floriane Héritier joue quelques notes de piano. On entend la musique depuis la rue. Les grandes baies vitrées du centre paroissial évangélique de Loches, créé en 2010, invitent à jeter un coup d’œil à l’intérieur. Une guitare est posée près du piano. Au fond, un babyfoot semble attendre les compétiteurs. Sur la table basse entourée de canapés, la NR et… des piles de Bibles. Accès au wifi en prime. C’est dans cette salle lumineuse que, tous les dimanches après-midis, une cinquantaine de personnes se réunit pour le culte.

Le dimanche matin, le groupe est plus restreint. Dans une pièce voisine, équipée notamment pour des vidéoconférences, quatre « étudiants » viennent se former. A 24 et 29 ans, Floriane et Raphaël Héritier sont pratiquement arrivés au bout de leur apprentissage, qui dure deux ans. Bientôt, ils quitteront Loches pour Langeais, où ils implanteront une nouvelle église évangélique (1).

Formation en alternance

« Nous cherchions une commune où il y ait une vie dans le centre-ville. Et autour de Langeais, il y a un bassin de population de 25.000 habitants », explique Raphaël Héritier. Il est menuisier auto-entrepreneur, son épouse Floriane intermittente du spectacle. « C’est l’idée derrière ce centre de formation pilote : permettre l’accès à la formation à des personnes qui ont déjà une profession. Ainsi, elles sont dans le jus de la société », souligne le pasteur de Loches Raphaël Anzenberger.
La formation se fait donc par alternance. « La première année (2) est principalement axée sur la communication et la prédication. Apprendre à faire une homélie : comment, en 15-20 minutes, délivrer un message adapté à un public qui n’est pas connaisseur. On n’estime pas d’emblée que les gens savent de quoi l’on parle mais que c’est à nous de faire l’effort. » Une des clefs du succès actuel des évangéliques ?

 (1) L’inauguration est prévue mi-octobre. (2) La deuxième année touche davantage aux modalités concrètes de création d’une église (comptabilité, droit associatif, normes de sécurité…)

la question

Et le mariage homo ?

« C’est un mauvais choix de société », répond clairement le pasteur évangélique de Loches Raphaël Anzenberger (lire par ailleurs). « Notre église accueille tout le monde, y compris des homosexuels bien sûr. Mais nos critiques portent sur le fondement du projet de loi. Il introduit un changement du rapport à la filiation extrêmement dangereux. »

repères

L’ ” ADN des évangéliques “

> Idées reçues. « C’est dans l’ADN des évangéliques de créer des églises », indique Jean-Pierre Dupont, délégué départemental du conseil national des évangéliques de France (Cnef). Il tient à tordre le coup à ce qu’il juge être des idées reçues : « Nous ne sommes pas un nouveau mouvement religieux en provenance des États-Unis. Les évangéliques sont apparus en France dès la Réforme protestante. Persécutés, les évangéliques français ont dû fuir la France pour l’Amérique, où ils se sont développés », avant de revenir. Il avance le chiffre de 460.000 évangéliques en France.
> Les bases. « La Bible seule, la foi seule, la grâce seule », énonce d’un trait Jean-Pierre Dupont. Les évangéliques ne baptisent pas les enfants : « On n’est pas évangéliques de père en fils. Cela exige l’engagement de chaque croyant. » Les baptêmes n’interviennent qu’à l’âge adulte « quand on décide de devenir disciple du Christ, ou non ».
> Quelle différence avec l’église protestante « classique » ? « Les évangéliques défendent une séparation nette avec l’État. Une conception très moderne par rapport à la laïcité », assure Jean-Pierre Dupont.
> Pourquoi s’être implanté à Loches ? « Nous sommes venus dans la région car nous avons estimé qu’elle était en souffrance en terme de nombre d’églises. Pour certains croyants, il fallait faire plus d’une heure de voiture pour se rendre à un culte. C’était inacceptable », explique le pasteur de Loches Raphaël Anzenberger. Nationalement, le Cnef souhaite parvenir à une église évangélique pour 10.000 habitants. Pour le moment, le rapport est d’une église pour 25.000 habitants.
> Financement. Selon la brochure du Cnef, « les églises protestantes évangéliques sont financées par leurs membres qui donnent librement, régulièrement des contributions. […] Les évangéliques financent eux-mêmes entièrement leurs lieux de culte ».