Retour à la source

Certains jeunes adultes font le choix d’un baptême en immersion, bénéficiant de la proximité du lac Léman. Une manière pour eux de se rapprocher de Jésus. Nous nous sommes plongés dans une cérémonie

Sur le rivage, le soleil commence à faire son apparition, en même temps que des dizaines de personnes. Au bord du lac, dans une crique de la plage de Corseaux, les canards semblent intrigués par tout ce monde un dimanche matin. Un guitariste s’installe, teste son ampli. Parmi la foule qui compte des personnes de tout âge, évoluent des jeunes gens et des jeunes filles de blanc vêtus. Ils ont entre 14 et 16 ans et sont là pour se faire baptiser directement dans le lac. « Le cadre est magnifique », s’enthousiasme un des parents.

Des pasteurs qui se mouillent

En polo et baskets que l’on devine insubmersibles, Pierre Bader, pasteur à Corsier, réunit les neuf jeunes postulants présents ce jour autour de lui. « Nous faisons ce type de baptême une à deux fois par année, raconte-t-il. Il peut y avoir des gens de tous les âges, mais au minimum 14 ans, pour être capable de décider et de comprendre qui dit quoi. Avant le baptême, notre rôle est de vérifier que ce n’est pas une décision prise sur un coup de tête ». La mère d’Anaëlle, 15 ans, acquiesce : « Nous l’avions présentée petite, pas baptisée. Je trouve bien que cela soit le choix de la personne et non des parents. » Un choix effectué avec conviction par l’intéressée. « C’est moi qui avais envie de ce moment, de montrer mon engagement à tout le monde. Le fait de le faire dans le lac me rapproche de Jésus qui a été baptisé ainsi, et c’est aussi plus vivant. » En effet. Chacun se déplace, se salue, se sourit, jusqu’à ce que Dominique Burnat, pasteur de Chardonne qui baptise dans le lac conjointement avec Corsier, entame la cérémonie, en robe pastorale blanche. « Ces baptêmes sont un moment particulier qui nous rappelle les premiers baptêmes des chrétiens », rappelle-t-il. Avant de procéder à l’immersion en tant que telle, les pasteurs demandent aux jeunes gens de répondre à trois questions de foi, dont l’une requiert de se tourner vers l’ouest, le couchant, pour « renoncer à l’ancienne vie », puis vers l’est, le levant, « pour recevoir l’homme nouveau, pour s’orienter au sens propre ».

En immersion

Dans une ambiance décontractée, où la température supposée froide du lac anime les conversations, les pasteurs s’avancent dans l’eau jusqu’au tronc et invitent un par un chaque fille et chaque garçon à les rejoindre. « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » A ce moment, la personne est immergée, tête en arrière, avant de ressurgir sous les applaudissements. « Je n’ai pas senti le froid car j’attendais que ce moment arrive enfin, se souviendra un peu plus tard Oriane. Une fois immergée, j’ai senti le poids de l’eau sur moi, et en en ressortant, j’ai eu l’impression de voler. C’est comme si j’avais laissé le mauvais de mon passé et tous mes péchés dans l’eau. » Symbole de renaissance, de purification, de limpidité, l’eau a la force du message. « Qu’est-ce qu’on fait si on reste longtemps dans l’eau ? Demande rhétoriquement Pierre Bader. On meurt. Et on est content de reprendre son souffle, de revenir à la vie. C’est cela le baptême, être lavé et revenir à la vie. » Le soleil, capricieux en ce mois de juin, disparaît une fois la cérémonie terminée. Emus au point où, sur les visages, les gouttes d’eau ne se distinguent pas des larmes, les baptisés se jettent tous ensemble dans le lac, la vie devant eux. 

// Stéphanie Billeter

En chiffres

Selon Pierre Bader, il y aurait de plus en plus de baptêmes choisis par les jeunes adultes, du fait d’une diminution ces dernières années de baptêmes d’enfants, celui dans le lac restant une option supplémentaire, « un retour à la source au sens premier du terme ». Les chiffres donnent-ils raison au pasteur de la paroisse de Corsier ? Les statistiques enregistrées par l’EERV remontant à 2000 indiquent un nombre total de 1331 baptêmes sur le canton de Vaud, parmi lesquels 14 adultes. Si l’on compare avec les données existantes de 1980, il y a une diminution de près de 80 % (2286 baptêmes en 1980 sur Vaud, dont 12 adultes). En quinze ans, de 2000 à 2015, la diminution continue à s’opérer. Malgré un sursaut en 2002 qui compte 1417 baptêmes, 2010 en enregistre 904 pour 789 en 2013 et 700 l’an dernier. Il est vrai qu’en comparaison à 1980, le nombre de baptêmes d’adultes a augmenté, avec 45 en 2012, 21 en 2013 et 24 en 2015.