L’Eglise, une entreprise pas tout à fait ordinaire

Bateau géant comptant 245 ministres, l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) ne se pilote pas au petit bonheur la chance. Mise en cause par le pasteur Daniel Fatzer et d’autres ministres licenciés ces derniers mois, sa gestion est professionnelle, à entendre ses responsables. Son Office des ressources humaines (ORH) est constitué d’un responsable épaulé de deux personnes – pasteurs au bénéfice de formations particulières – ainsi que d’un staff administratif de quatre personnes. Le Conseil synodal a annoncé cette semaine l’engagement d’une personne supplémentaire.

Dotation suffisante? «Le nombre de postes convient à la taille du personnel, assure Line Dépraz, membre du Conseil synodal. C’est confirmé par une commission de six spécialistes en ressources humaines (RH) de diverses institutions, qui nous conseillent. La décision d’engager une nouvelle personne a été prise pour soulager le responsable des tâches administratives et lui permettre de se concentrer sur le suivi.»

Dimension théologique et pastorale

Ce service doit-il être assuré par des pasteurs? «Il est important que les RH ne soient pas des gestionnaires purs, explique Xavier Paillard, président du Conseil synodal. La principale différence avec une entreprise ordinaire, c’est qu’il y a une dimension théologique et pastorale qui doit aussi être évaluée.» L’évaluation a été peu à peu renforcée depuis 2007, date de la sortie de la gestion de l’EERV du giron de l’Etat.

L’Eglise a mis en place un cahier des charges, un règlement pour les défraiements, un entretien annuel pour les ministres, des bilans de mandat et des formations continues. Le Conseil synodal parle d’un «suivi de qualité». Xavier Paillard: «Nous assumons des tâches particulières toujours plus spécialisées. Nous travaillons avec des partenaires comme les hôpitaux ou les prisons, qui réclament des formations spécifiques.» Au risque d’écorner la liberté de certains ministres? «La majorité des collègues sont satisfaits des entretiens et du suivi de leur travail, répond Xavier Paillard. Ceux qui se plaignent, quelque part, n’acceptent pas de rendre des comptes à d’autres personnes. L’ancien système, avant 2007, pouvait être agréable mais certaines paroisses ont souffert de cette situation.»

Composer avec la foi

Est-il plus difficile de gérer des pasteurs et diacres que des employés ordinaires? «Il faut composer avec la foi, qui plus est dans une institution qui compte une pluralité de sensibilités théologiques, admet Line Dépraz. Chaque ministre manifeste des convictions dans son travail. Il peut donc être difficile pour certains de dissocier l’appréciation des prestations de celle de la personne.»

Quant aux licenciements, certains estiment qu’ils ne devraient pas exister à l’EERV, tandis que plusieurs délégués du Synode, réuni à Vaulion la semaine dernière, s’inquiétaient au contraire d’une «surprotection» des pasteurs qui dysfonctionnent. Une certitude: l’EERV n’est pas seule à y avoir eu recours. L’Eglise catholique dans le canton de Vaud a aussi été amenée à licencier quelque six personnes en dix ans et «doit parfois prendre des sanctions», indique la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC-VD). Celle-ci a également rénové tout son système RH, qui prévoit des entretiens annuels. Depuis 2013, les prêtres vaudois sont au bénéfice d’un contrat écrit en bonne et due forme. Une entreprise «presque» comme les autres. (24 heures)

(Créé: 25.06.2016, 08h52)