Prier, images pieuses au creux de la main

C’est un moment de recueillement. Chaque jour, Prince Ntasey, homme d’affaires ghanéen de 29 ans, suspend ses activités pour regarder son smartphone. Sur l’application Asoriba, téléchargée gratuitement il y a cinq mois, s’affiche un « message de dévotion », envoyé par le pasteur de son église, la Goodnews Mission Church.« Recevoir ce texte, accompagné d’une image qui aide à saisir l’essence de cette pensée me réjouit, explique Prince. Comme je suis très pieux, j’envoie aussi par mon téléphone des paroles de l’Evangile à certains membres de l’église. » C’est également par ce canal qu’il reçoit l’agenda de la paroisse, « ce qui est très pratique avec mes fréquents déplacements », ajoute-t-il.

Pour trouver des églises clientes, Nana Opoku (photo) et les trois autres fondateurs font, comme ici, du démarchage direct auprès des pasteurs. Asoriba

Depuis les bureaux de la Goodnews Church, à un jet de pierre de l’université du Ghana au nord d’Accra, le pasteur Stephen Boateng pilote ce service numérique. Devant son ordinateur, ce jeune homme de 24 ans démarre la journée en envoyant aux 140 fidèles de sa communauté ces petits sermons, « une démarche qui s’avère très utile pour le cheminement spirituel des membres », note-t-il. Il continue en partageant en ligne, si nécessaire, des informations pratiques. Enfin, il utilise ce programme informatique comme une plate-forme classique de gestion pour suivre bilans et statistiques.

Faire des dons et des offrandes

« Je passe sur le site Asoriba entre 45 minutes à 2 heures par jour en fonction de la vitesse de connexion Internet que j’arrive à obtenir », précise-t-il. Afin de simplifier la gestion budgétaire de la communauté, Stephen Boateng aimerait d’ailleurs que rapidement, l’application mobile « permette à tout membre d’apporter sa contribution financière par téléphone mobile en toute sécurité ». Pour l’instant, c’est uniquement par l’intermédiaire du site Web que les fidèles peuvent faire des dons et des offrandes.

Très inspirée de ce qui se fait en ligne depuis plusieurs décennies sur le continent américain, cette application ecclésiastique est, à l’origine, un projet de fin d’étude. En 2014, quatre jeunes étudiants du MEST (Meltwater Entrepreneurial School of Technology), Nana, Saviour, Jesse et Patrick sont à la recherche d’un projet technologique et se rendent comptent qu’ils appartiennent à quatre églises distinctes, respectivement la Destiny Chapel, l’Apostolic Church Ghana, l’église catholique et la Global Evangelical Church.

Nana, Saviour, Jesse et Patrick, alors étudiants au MEST (Meltwater Entrepreneurial School of Technology) à Accra, présentent leur projet de fin d’étude qui deviendra la start-up Asoriba. Asoriba

De cette diversité leur vient une idée. Pourquoi ne pas proposer un service en ligne qui puisse aider tout autant les pasteurs à gérer leurs communautés que les fidèles à rester connectés ? D’autant plus que ces étudiants ont, pour nourrir leur réflexion, des informations de premières mains. Nana et Saviour sont tous deux fils de pasteur et Nana se destine à en devenir un. « Nous savions que la gestion financière d’une église est compliquée, que le suivi des fidèles est souvent peu efficace, et que la création d’événements pour animer la communauté est toujours trop onéreuse », se souvient Nana. Les quatre planchent donc sur une application à la fois Web, utilisable par un pasteur devant son ordinateur, et mobile, pour un fidèle smartphone en main.

Diplôme en poche, ces entrepreneurs en herbe ont, cette dernière année, bénéficié de l’incubateur du Meds pour structurer leur projet. Nana Opoku a pris la direction de la start-up dénommée Asoriba, enfant de l’église en Twi, un des dialectes du Ghana. Quand à ses trois autres camarades, ils occupent des postes techniques.

Les quatre garçons affichent un plan marketing volontariste et très précis. « Près de 500 millions d’Africains appartiennent à des communautés chrétiennes. Il existe 2,6 millions d’églises en Afrique et notre objectif est d’en atteindre 468 000 », explique Nana. Les créateurs aspirent donc à se développer bien au-delà des frontières du Ghana.

Célébration dans une des églises d’Accra qui utilise l’application Asoriba pour rester en contact avec ses fidèles. Asoriba

L’application propose des tarifs adaptés au nombre de fidèles. Pour les « baby churches », les petites églises telle celle du père de Nana qui accueille une trentaine de personnes, le tarif est de 9 dollars américains par mois. Pour les grandes communautés, de plus de 2 000 membres, la somme mensuelle à verser est de 199 dollars.

Depuis le lancement officiel de l’application en février 2015, les quatre garçons se démultiplient sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook pour communiquer. A coup d’opération de marketing direct, ils appellent, prennent rendez-vous et essayent de convaincre un à un les pasteurs. Leur équilibre financier a été atteint avec la centième église devenue cliente. « Plus de 220 ont actuellement créé un compte sur le site », ajoute Nana. Les nouvelles communautés inscrites « ont une période de deux semaines pour tester nos services et nous l’espérons y souscrire ».

Le premier client d’Arisoba a été la Destiny Church, église du père de Nana, où celui-ci fait également ses armes de futur prédicateur. Selon une étude du Pew Research Center de décembre 2015, l’Afrique est le continent où le plus d’habitants considèrent la religion comme « très importante » dans leur vie quotidienne. C’est le cas pour 98 % des Ethiopiens, 97 % des Sénégalais, 90 % des Ghanéens, contre 27 % des Canadiens, 18 % des Australiens et 14 % des Français.