Mariage gay: les pasteurs réforment leur opinion

La principale composante de l’Église protestante de France autorise la bénédiction d’une union homosexuelle dans ses lieux de culte.

Les pasteurs de la principale Église protestante de France pourront désormais bénir, s’ils le souhaitent, les couples homosexuels mariés civilement, selon une décision adoptée dimanche à une large majorité par le synode, une quasi-première dans l’Hexagone.

“C’est une décision
prise contre
tous les textes bibliques!”

Qui l’a décidé? Il s’agit de l’Église protestante unie de France (EPUdF) qui incarne le courant historique du protestantisme français. L’EPUdF revendique 110.000 membres actifs parmi 400.000 personnes faisant appel à ses services. L’EPUdF accueille un nouveau pasteur chaque mois, 45% de ce clergé est renouvelé par des femmes.
De quoi s’agit-il? D’un vote après de longs débats. Sur la centaine de délégués réunis à Sète (Hérault) et ayant pris part au vote, 94 ont voté pour la possibilité d’une bénédiction et trois contre. Le mariage n’est pas un sacrement pour les protestants, mais les couples hétérosexuels unis en mairie peuvent être bénis au temple. Dans un communiqué, l’EPUdF précise qu’il s’agit ici d’« un pas de plus pour accompagner les personnes et les couples », après dix-huit mois de réflexion et de débat. « Le Synode est soucieux à la fois de permettre que les couples de même sexe se sentent accueillis tels qu’ils sont et de respecter les points de vue divers qui traversent l’Église protestante unie », indiquait dimanche l’EPUdF. « Une telle bénédiction est bien une possibilité ouverte, elle n’est ni un droit ni une obligation. En particulier, elle ne s’impose à aucune paroisse », a-t-elle pris soin de préciser, ajoutant que « les débats qui concernent les couples de même sexe sont souvent passionnés et exclusifs ».
L’Église protestante reste très partagée. Deux ans après l’adoption de la loi Taubira ouvrant le mariage civil à deux personnes de même sexe, cette annonce est une quasi-première en France.
D’importantes communions protestantes d’Europe (Espagne, Italie…) et d’Amérique du Nord, ont ouvert cette bénédiction aux couples gays et lesbiens. En France, seule la Mission populaire évangélique (MPEF), une Église beaucoup plus petite que l’EPUdF, autorise actuellement ses pasteurs à participer à un « geste liturgique d’accueil et de prière » pour les homosexuels, une pratique qui reste marginale. Au sein même de l’Église protestante unie, née en 2012 de la fusion des Églises luthériennes et réformées, le sujet est loin de faire consensus, même si le mariage gay n’y fait pas l’objet du rejet constaté parmi les responsables catholiques et dans les mouvements évangéliques.
Une frange de la communauté est opposée au mariage homosexuel. En juin 2014, l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), présente sur le territoire alsacien-mosellan, avait sursis à statuer et s’était donné « un délai de trois ans avant d’envisager de reprendre cette question en assemblée ». Avant le synode, le pasteur Gilles Boucomont, vif opposant au projet, s’était inquiété de ce que « pour la première fois en France depuis 1517 » (date de la Réforme initiée par Martin Luther), « une décision synodale majeure puisse être prise contre tous les textes bibliques ».
Avec une cinquantaine d’autres pasteurs et une centaine de conseillers presbytéraux locaux, il avait d’ailleurs signé un appel invitant les délégués du synode à ne pas statuer « dans la hâte de répondre à la pression de la société et l’évolution de ses moeurs et disait craindre de profondes déchirures ».

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“Le problème c’est le lobby gay”

« Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger » s’interrogeait le pape François voici un an. Ce commentaire avait été estimé encourageant par la communauté homosexuelle qui notait une évolution, au sommet de l’Église catholique. Mais évolution ne signifie pas inflexion et doctrinalement, l’homosexualité reste « un acte intrinsèquement désordonné » aux yeux des théologiens qui dissocient le respect dû aux êtres, du rejet de leurs écarts. Dès lors, aucune caution n’est à espérer de Rome. « Le problème, c’est le lobbying gay » exposait le même François l’été dernier. Inflexible, le Vatican refuse toujours d’accréditer Laurent Stéfanini, l’ambassadeur nommé par la France auprès du Saint-siège ce printemps. Catholique pratiquant, l’ancien chef du protocole à l’Élysée est aussi un militant de la cause homosexuelle.