Union gay, la bénédiction protestante accordée

Parfois, le calendrier a d’heureux hasards. «Je n’ai appris qu’il y a deux jours que ce dimanche était la Journée internationale de lutte contre l’homophobie», assure à Libération Laurent Schlumberger, le président de l’Eglise protestante unie de France (EPUDF), la plus importante numériquement et la plus ancienne historiquement dans l’Hexagone, et qui regroupe les luthériens et les réformés (calvinistes). Cela tombait bien car, ce même jour, l’EPUDF a franchi un pas historique en autorisant la bénédiction des couples homosexuels (l’équivalent du mariage pour les protestants) par les pasteurs. En France, c’est une première. Jusqu’à maintenant, seule une petite branche du protestantisme, la Mission populaire évangélique, implantée dans les quartiers difficiles, autorisait depuis 2009 cette pratique, sous l’impulsion d’une poignée de pasteurs très progressistes.

Rattrapage. Réunis en synode national (assemblée générale) à Sète (Hérault), les 105 délégués de l’EPUDF ont voté quasiment à l’unanimité (94 voix pour et 3 contre) le texte qui ouvre la possibilité aux paroisses et aux pasteurs – la décision se prendra localement – de procéder à des bénédictions de couples de personnes de même sexe. «Jusqu’au scrutin, nous ne savions de quel côté la décision allait pencher», explique Laurent Schlumberger, lui-même surpris de la très large majorité qui s’est dégagée sur le texte. Ce choix intervient après une longue consultation interne, qui a duré dix-huit mois.

A l’été 2014, les discussions s’orientaient plutôt vers une réponse négative. «Je crois que les gens ne sont pas d’un bloc face à cette question, radicalement pour ou contre», estime le président de l’EPUDF. Ce qui a visiblement laissé des marges de manœuvre pour aboutir à la décision prise dimanche.

Pour le protestantisme français, ce vote ressemble à une session de rattrapage. Lors des débats sur le mariage pour tous en 2012-2013, il avait été très frileux, voire hostile. Présidée alors par un évangélique, la Fédération protestante de France (FPF) s’était à l’époque positionnée contre le mariage pour tous. Elle estimait que le projet apportait de la «confusion dans la symbolique sociale», et ne favorisait pas la «structuration de la famille». Les luthériens et les réformés avaient, eux, refusé de prendre publiquement position. Deux ans seulement ont suffi pour que le débat avance. «Depuis que le mariage pour tous a été adopté, les choses se passent sereinement au sein de la société française et cela a beaucoup joué», estime le théologien et pasteur Stéphane Lavignotte, le premier à avoir béni des couples homosexuels. «Aujourd’hui, c’est un jour émouvant, poursuit-il. Le débat s’est ouvert dès 1999. Nous avons eu le sentiment parfois qu’il n’avançait pas. Nous avons aussi entendu des choses très dures, comme si les gens se repliaient sur des lectures fondamentalistes de la Bible.»

Traîne. L’association Carrefour des chrétiens inclusifs, qui se bat pour les droits LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et trans) dans les églises chrétiennes, le vote de l’EPUDF a été accueilli avec satisfaction. «Nous étions en assemblée générale quand nous l’avons appris, raconte sa présidente, Marina Zuccon. Tout le monde a applaudi, pleuré et chanté.»

Vu d’Europe, le protestantisme français luthéro-réformé apparaissait aussi très à la traîne. La bénédiction de couples homosexuels existe depuis les années 90 en Suède et aux Pays-Bas, et s’est répandue depuis une dizaine d’années en Allemagne et en Suisse.


Bernadette Sauvaget