Une église peu orthodoxe dans le bidonville grenoblois

REPORTAGE – Le long de la friche industrielle Allibert, au sein du village de fortune fait de palettes en bois, une maison un peu particulière a fait son apparition, en janvier dernier : une église protestante animée par deux pasteurs tziganes. Un lieu de culte peu orthodoxe dans un décor atypique.

Le Pasteur Florian devant son église © Arnaud Chastagner

Le pasteur Florian devant son église. © Arnaud Chastagner

En attendant la messe, en cette fin d’après-midi, peu avant 18 h 00, le pasteur Florian passe le balai devant son église, au sein du bidonville, avenue Edmond-Esmonin, à Grenoble. Dans quelques minutes, la cérémonie va débuter.

Un homme balaye devant l'église faite en palettes de bois dans le camp abritant des Roms et des sans abris à Grenoble.

Le pasteur Florian devant son église. DR

Déjà, un couple avec une poussette patiente dans le froid. S’étalant sur dix mètres de long par au moins cinq de large, l’église protestante, faite de palettes en bois et d’objets recyclés, est la structure la plus imposante du campement.

Début 2015, de l’herbe et des branchages poussaient encore sur cette parcelle de terre. Aujourd’hui, deux pasteurs y accueillent trois fois par semaine les Chrétiens roms et d’éventuels riverains.

Le pasteur Florian enfourne une bûche dans le poêle de l'église faite en palettes de bois dans le camp abritant des Roms et des sans abris à Grenoble.

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Une odeur de soufre dans l’église

Dans cette grande pièce aux murs recouverts de draps, sont disposés des chaises et un baril d’essence faisant office de poêle. Deux hommes attendent patiemment le début de la cérémonie, tandis que quatre enfants arrivent d’un pas timide dans la pièce. Il y aura peu de monde ce soir.

Alors que le pasteur Florian enfourne des bûches dans le bidon pour réchauffer l’atmosphère, une odeur de soufre imprègne la pièce. Après avoir fait sa prière, sans même attendre le début de la cérémonie, le couple arrivé en avance ne s’attarde pas. L’homme fait un mouvement de tête à sa compagne pour indiquer le départ.

L'intérieur de l'église protestante sur le site Allibert © Arnaud Chastagner

L’intérieur de l’église protestante. © Arnaud Chastagner

Une messe en roumain

La cérémonie débute au son de la voix des deux pasteurs, Florian Covaciu et Viorel Varga, debout derrière une simple table recouverte d’un tissu.

La messe se déroule en roumain, afin de respecter le programme chrétien de l’Église évangélique tzigane. Puis vient le temps de la prédication, durant lequel les pasteurs commentent des extraits de la bible.

Au total, une petite dizaine de personnes auront participé à la cérémonie, certaines étant parties avant la fin, d’autres ayant prié jusqu’au bout. Ici, rien n’est formel. Les fidèles viennent se recueillir lorsque le lieu de culte est ouvert, c’est-à-dire aux heures des cérémonies. « Les personnes peuvent s’exprimer en romani (la langue des Roms, ndlr) ou en roumain », précise Viorel Varga.

Une église reconnue

« Beaucoup de personnes participent à nos cérémonies. Elles en ont besoin car le quotidien n’est pas toujours facile, ici, dans le campement. Grâce à la parole de Dieu, elles trouvent un apaisement », explique Viorel.

Le Pasteur Viorel Varga les bras écartés devant un verset de la bible en romani : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille. » à l'intérieur de l'église artisanale construite dans le camp du CCAS à Grenoble © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

Le Pasteur Viorel Varga devant un verset de la bible, affiché au fond de l’église : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et ta famille. » © Delphine Chappaz – placegrenet.fr

Viorel est pasteur depuis quatorze ans. « Avant, j’étais responsable d’une église chrétienne en Roumanie, à Timișoara. Mais mon identité tzigane m’empêchait de pouvoir véritablement travailler. Je suis donc parti… », ajoute-t-il.

Un pasteur rom devant le dessin affiché à l'intérieur de l'église artisanale construite dans le camp du CCAS à Grenoble © Delphine Chappaz - placegrenet.fr

© Delphine Chappaz – placegrenet.fr

Depuis début 2012, le pasteur exerce ainsi en France. Ce travail en binôme dans ce campement avec Florian se justifie par le nombre important de Roms installés dans l’agglomération grenobloise.

L’église du campement est reconnue par l’Église évangélique tzigane, une entité religieuse présente dans la commune d’Eybens, elle-même reconnue par la Fédération protestante de France. « Nous avons des aides de l’église d’Eybens pour célébrer notre culte religieux dans de bonnes conditions », confie le pasteur Florian.

Depuis son ouverture, deux enfants y ont été baptisés.

Arnaud Chastagner

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