Simon Goulart, pasteur endiablé

Portrait de Simon Goulart, gravure sur bois du XVIIe siècle. Genève, collection Rigaud, portraits, n° 148. (BGE / Centre d’iconographie genevoise)

Portrait de Simon Goulart, gravure sur bois du XVIIe siècle. Genève, collection Rigaud, portraits, n° 148. (BGE / Centre d’iconographie genevoise)

Le deuxième successeur de Calvin était un insatiable curieux. De la poésie à la médecine en passant par la démonologie, il offrit à Genève une culture renouvelée

Simon Goulart? Pour le commun des mortels genevois (ne parlons même pas des autres), ce nom évoque au pire un arrêt des TPG à quelques centaines de mètres de la gare de Cornavin, au mieux la place qui le jouxte. Et pourtant: Simon Goulart (1543-1628) fut, entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, une pièce maîtresse de l’histoire de la Cité de Calvin. Modérateur de la Compagnie des pasteurs, il préside aux destinées de la Réforme et, surtout, ouvre celle-ci à de nouveaux horizons: car Goulart, au-delà de ses obligations pastorales, se fait poète, traducteur, éditeur, passeur de savoirs et de textes – on dit «polygraphe». Cette soif intellectuelle l’amènera à cultiver des champs que le calvinisme a pu trouver étranges: la démonologie, l’astrologie, mais aussi le nœud des disciplines (physique, médecine, etc.) sur lesquelles se bâtira la Genève scientifique du XVIIIe siècle.

Ladite Genève fut mauvaise fille, occultant le souvenir de Goulart. Il était temps que son héritage soit mis au jour: ce fut le cas dans le cadre d’un colloque organisé par l’Unige, dont les Actes viennent de paraître*. Le professeur Olivier Pot, organisateur de la rencontre et éditeur du recueil d’articles, revient sur cette figure injustement méconnue.

Samedi Culturel: D’où nous vient Simon Goulart?

Olivier Pot: C’est un Picard – comme Calvin. Il naît à Senlis en 1543, il étudiera le droit à Paris. Il embrassera la religion réformée et se réfugiera très vite, en 1566, à Genève – exode classique des convertis persécutés en France. Goulart est assez rapidement nommé pasteur à Saint-Gervais – il habite alors au château de Cornavin. Chose étrange, la première partie de sa carrière genevoise, au-delà de ses obligations pastorales, est très orientée vers la poésie: en 1574, des textes de sa main apparaissent dans le recueil Montméja, qui offre des pièces de plusieurs poètes réformés genevois. A priori, faire des vers n’est pas la fonction première d’un pasteur, mais la polyvalence est un trait tout à fait caractéristique de Goulart.