Satisfait de son «feu d’artifice médiatique», le pasteur Fatzer met fin à sa grève de la faim

Caméras, appareil photo et bloc-notes prêts à immortaliser l’instant, les journalistes ont répondu présents à l’invitation du pasteur Daniel Fatzer, vendredi en l’église Saint-Laurent à Lausanne. Quelques membres de son groupe de soutien sont également là. Le ministre qui poursuit un «jeûne de contestation» strict depuis une vingtaine de jours, trône sur un matelas gonflable au milieu du temple. Alignés sur des chaises à ses côtés, trois des quatre anciens collègues licenciés au cours des trois dernières années par l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV).

«Je mets fin à cette grève de la faim, car j’ai obtenu ce que je pouvais obtenir. J’ai alerté la population sur la situation dans l’Eglise réformée vaudoise. Et j’ai obtenu le soutient de la population», déclare le pasteur qui occupe le temple du centre lausannois depuis le 18 juin, au lendemain de son licenciement pour faute grave, intervenu à la suite de deux mentions nominatives de situations personnelles d’autres pasteurs prononcées lors du culte radio, diffusé en direct sur Espace 2, le 12 juin.

Un feu d’artifice médiatique

«Lorsque l’on m’a signifié mon licenciement, j’avais promis à mon employeur un feu d’artifice médiatique», a rappelé Daniel Fatzer, durant sa conférence de presse. Et c’est sans doute tout ce que le ministre a obtenu, puisque, selon un communiqué de l’EERV, «Daniel Fatzer a quitté la table de la médiation ce vendredi matin au terme d’une deuxième rencontre.» Dans cette affaire, la Conseillère d’Etat Béatrice Métraux avait, en effet, offert ses bons offices. Une décision sur laquelle le pasteur ne fera aucun commentaire, respectant un engagement à la confidentialité.

«Si j’étais ermite, il est certain que je poursuivrais le mouvement, mais j’ai une famille qui souffre de cette situation», a déclaré le pasteur qui déclare avoir perdu 10 kilo durant ces 23 jours de contestation. «Il me faut par ailleurs reprendre des forces pour le marathon de combat qui s’annonce», ajoute-t-il. Il rappelle notamment que plusieurs cas concernant l’EERV devront être traités par les tribunaux dès cet automne. «Il y a sept à huit procès impliquant des pasteurs, dont un a déjà été gagné», rappelle Daniel Fatzer. Des chiffres contestés par Xavier Paillard, président du Conseil synodal (exécutif) de l’EERV: «Il y a trois procédures en cours devant les prud’hommes. Quatre si l’on compte le cas de Daniel Fatzer.»

Pasteurs captifs

«Je n’ai pas fait cela pour moi, je l’ai fait pour mes quatre autres collègues», insiste Daniel Fatzer. S’oppose-t-il par principe au licenciement d’un pasteur? «Quand on prend le risque d’être engagé par l’EERV, on se retrouve dans une situation où l’on ne peut aller nulle part si l’on se fait virer. Les pasteurs sont captifs de cette Eglise. Donc oui, je pense que l’on ne devrait pas pouvoir licencier un pasteur, et l’Eglise devrait y être sensible au moment d’engager quelqu’un dans le ministère.»

Xavier Paillard rétorque: «les pasteurs ne sont pas des employés plus captifs que les travailleurs de n’importe quelle branche où un acteur à une position dominante. Il peut être engagé par une autre Eglise réformée. En outre avec sa formation en théologie, il peut trouver du travail comme journaliste, enseignant ou une autre fonction à caractère social.»  

Les fidèles ne se sentent pas entendus

Daniel Fatzer dénonce aussi le «déficit démocratique» de l’Eglise, concentrant, ces dernières années tout le pouvoir entre les mains du Conseil synodal et des l’Office des ressources humaines. «Il n’y a pas de réel contre-pouvoir; le synode ne joue pas ce rôle. Les fidèles ne se sentent pas entendus.» Xavier Paillard conteste également: «les assemblées de paroisses élisent des délégués à la région, qui à leur tour élisent des délégués au synode. Et à chaque niveau, l’assemblée élit un conseil exécutif ainsi qu’une commission de vérification des comptes et de la gestion. On a un parfait exemple de démocratie parlementaire.»

Un droit du travail brutal

«Au fil des jours, j’ai réalisé que je faisais aussi ce jeûne pour les travailleurs nombreux qui sont venus me soutenir et qui sont maltraités par une loi sur le travail qui permet à n’importe quel employeur de se débarrasser d’un employé et qui ne permet même pas aux prud’hommes d’obliger une entreprise à réengager quelqu’un. Il se pourrait que la prospérité de notre pays se fasse sur des déchetteries de travailleurs poubellisés par une loi brutale», a également plaidé Daniel Fatzer. «J’aurais aimé que l’Eglise puisse être présentée comme un employeur modèle. Ce n’est pas le cas.» Xavier Paillard ne pense pas que l’Eglise se comporte comme n’importe quel autre employeur. «D’abord, je dis toute mon admiration pour la grande majorité des PME qui ont une gestion humaine des ressources humaines. Et je crois que l’Eglise n’est pas en reste dans ses offres de formation, de suivi de ceux qui travaillent pour elle et d’accompagnement des personnes en situation de fragilité.»