Remous autour d’une école de théologie

Le projet d’une formation théologique davantage axée sur la pratique que les traditionnelles études universitaires se dessine en Suisse romande. Initiée par des pasteurs proches de la mouvance évangélique, la Haute Ecole de théologie (HET-PRO) s’ouvrira l’automne prochain à Saint-Légier, où elle remplacera l’Institut biblique d’Emmaüs.

Elle proposera des cursus d’études avec à la clé des diplômes de bachelor et de master en théologie. Le corps professoral vient d’être désigné. «Les huit enseignants sont d’arrière-plans très différents, afin de garantir une diversité d’enseignement. Seuls deux enseignants de feu Emmaüs poursuivront à la HET-PRO», explique Jean Decorvet, recteur de cette nouvelle institution.

L’ouverture prochaine de la HET-PRO met cependant le landerneau protestant en émoi. Certains y voient une volonté de proposer une formation alternative à l’actuelle formation duale des pasteurs (un master en théologie, complété par deux ans de formation pratique au sein des Eglises). Le futur recteur Jean Decorvet se veut rassurant. «La HET-PRO n’a aucunement la prétention de se substituer aux Eglises sur ce qui est demandé aux pasteurs. Elle a plutôt le désir de proposer une formation en adéquation avec les besoins des communautés ecclésiales.»

Au sein du Conseil synodal de l’Église évangélique réformée vaudoise, on prend acte sans enthousiasme. «Les communautés évangéliques préfèrent lancer un nouveau projet plutôt que de travailler à la consolidation et à l’élargissement des formations existantes, relève son président Xavier Paillard. Un lieu de formation pour les futurs ministres évangéliques est une bonne chose, mais le manque de vocation reste le défi actuel et les Eglises romandes préfèrent consolider ce qui existe plutôt que de lancer un projet de plus.»

La nouvelle formation proposée par la HET-PRO permettra-t-elle aux diplômés de travailler comme pasteur? On n’en est pas encore là. Pour le moment, les critères d’accession au pastorat restent un master en théologie à la faculté de Lausanne ou de Genève puis le parcours de formation proposé par l’Office protestant de la formation. «Une reconnaissance d’équivalence n’est pas du ressort des Eglises. C’est une question académique», tranche Xavier Paillard. Du côté des facultés de théologie, on refuse de se prononcer à ce stade. «Comme la future HET n’existe pas encore, il est impossible d’en évaluer le niveau, la qualité scientifique et le projet intellectuel qu’elle soutient», argumentent Jean-Daniel Macchi et David Hamidovic, doyens des deux facultés romandes de théologie protestante.

Du côté des assemblées évangéliques, il n’existe pas à l’heure actuelle de recommandation quant à la formation des pasteurs. L’ouverture prochaine de la HET-PRO favorisera-t-elle l’adoption d’une base commune de formation? «Nous ne sommes pas en recherche d’uniformité!» assène Serge Carrel, responsable de la formation d’adultes de la Fédération romande des Eglises évangéliques. «La diversité des formations suivies par nos pasteurs est un gage pour rencontrer les diverses personnes qui fréquentent nos Eglises. La formation universitaire requise par les Eglises réformées romandes constitue souvent un moule qui empêche l’expression de la diversité des dons et des ministères, telle que le Nouveau Testament l’envisage.»

(24 heures)

(Créé: 19.02.2017, 13h06)