Nîmes : face à la maladie, l’accueil

E n dix années, la Maison des parents a hébergé dix mille familles de personnes hospitalisées.

Pudique, les traits tirés, Adrienne grignote son petit-déjeuner, le regard perdu dans la pinède. Dans quelques minutes, elle rejoindra son époux, admis dans un état critique au CHU Carémeau. Loin des Cévennes où le couple avait choisi de passer sa retraite. “L’hôtel, c’est toujours impersonnel… À la Maison des parents, l’ambiance est calme, chaleureuse. Même si on n’a pas toujours envie d’en profiter, vues les circonstances…”

Il y a dix ans, au moment de l’ouverture de cette structure unique à Nîmes, seule à accueillir les familles de personnes hospitalisées, la Cévenole était tombée sur un prospectus dans le hall d’accueil de l’hôpital. Papier précieusement conservé : pour la troisième fois, elle n’a pas hésité à y loger. En habituée des lieux : “Je n’ai plus de médicaments. Mais, je sais que Martine m’amènera à la pharmacie.”

Après des débuts compliqués, la pérennité semble acquise

La Maison des parents, 260, chemin du Saut-du-Lièvre, est constituée de neuf chambres (TV, kitchenette), une cuisine, une salle à manger. Le prix de la nuit s’élève à 32,50 € pour les personnes ayant une mutuelle, les autres s’acquittant de leur facture au prorata de leurs ressources.

Aujourd’hui, la Maison des parents affiche complet presque en permanence. Les débuts furent cependant difficiles : “Peut-être la proximité de l’Assemblée chrétienne”, reconnaît Jean-Louis Poujol, qui a songé à créer un tel lieu lors de l’hospitalisation de son fils de 5 ans, atteint d’une tumeur au cerveau. Aux côtés du centre Martin-Luther-King, dont il était le pasteur, le Nîmois a emprunté 350 000 €, avec des remboursements mensuels de 3 500 € durant quatorze ans, pour construire le bâtiment.

Le pasteur Poujol n’a jamais cessé de rechercher des fonds : dons privés, subventions de 70 000 € de la Région et du Département… Désormais, la pérennité de la structure semble acquise.

“Nous ne voyons que des personnes qui luttent contre la mort”

Martine Durand est la dame de cœur de cette maison de charme aux neuf chambres coquettes. Un sourire affectueux, une présence indéfectible, un bol de légumes mijotés pour un estomac délicat… Les mille et un remerciements, apposés sur le livre d’or, témoignent de l’importance de l’accueil : “Ce sont des moments tellement pénibles que tout cela soulage un peu notre souffrance”, souligne Brigitte. “Quand les proches rentrent le soir, ils ne demandent pas la clé : ils parlent des résultats d’une analyse, ils s’inquiètent parce que leur mari pisse le sang”, raconte le pasteur Jean-Louis Poujol, fondateur de la Maison des Parents, inaugurée le 5 juin 2005 sur le terrain du centre Martin-Luther-King. Il ajoute : Nous ne voyons que des personnes qui luttent contre la mort : à 90 % ce sont des cas graves. Trois chambres sont réservées en priorité aux parents de bébés prématurés, souligne Solange, épouse de l’homme d’église et bénévole. On les écoute, on les rassure, on leur apporte de la sécurité, on leur amène de l’espérance…”

10 000 familles

Pour une nuit ou dix-huit mois, 10 000 familles, souvent épaulées par Marc, le chauffeur de la navette, se sont succédé chemin du Saut-du-Lièvre. Partageant autour des repas leurs angoisses. Égayant de plantes, comme Yolande, en traitement depuis de longues semaines, les terrasses devant les chambres. Se prêtant leurs voitures. “Moralement, c’est bien, soupire Georges, le regard embué. Je suis là depuis quinze jours, et je peux ainsi rendre visite tous les jours à ma femme, qui a eu un AVC.” La rééducation achevée, le couple regagnera, ensemble, son domicile bagnolais.

 “Les miracles, c’est l’exception…”

Heureux dénouement que n’ont pas vécu les parents de Catherine, jeune femme de 23 ans, atteinte d’une leucémie : “Leur fille unique… Elle était en soins palliatifs et tous les jours, son état se dégradait. Jusqu’au coup de fil un après-midi : Catherine était partie, se souvient Jean-Louis Poujol. Leur vie s’effondrait.” Le pasteur, qui veille à ne pas mélanger les rôles, délaissant son costume d’homme d’église dès qu’il franchit le seuil de la Maison des parents, le sait bien : “Les miracles, c’est l’exception…” Et pourtant, parfois, ils bousculent le destin : les parents de Louis, grand prématuré, peuvent en témoigner. Leur bébé fragile est aujourd’hui un joyeux garçonnet.

Jean-Louis Poujol : “Je vais passer la main”

Après avoir confié le centre Martin-Luther-King à quatre pasteurs, gérez-vous toujours la Maison des parents ?

Je serai toujours présent, je ne l’abandonne pas, mais un couple, parents d’un enfant handicapé, malheureusement décédé, va prendre mon relais sur le plan administratif. Une équipe de cinq bénévoles les épaulera. Je passe la main… Une promesse de don, venant d’une association, permettra de clore les crédits bancaires et donc de pérenniser la Maison des parents. On a gagné, et c’est beau.

Une belle aventure ?

Au début, la mayonnaise n’a pas pris. Il a fallu créer un climat de confiance. Je n’ai jamais oublié ce que m’avait dit l’une des premières personnes hébergées, propriétaire d’un petit hôtel en Auvergne : neuf chambres permettent de tourner. Elle avait raison, et cette affirmation m’a poursuivi, comme un encouragement, tout au long de ces années.