Licencié, le pasteur Daniel Fatzer est en grève de la faim

Daniel Fatzer repose dans un lit à l’intérieur de l’église Saint-Laurent. Le pasteur fait une grève de la faim depuis hier dans «son» église. Et il a bien l’intention d’occuper le lieu de culte lausannois ces jours prochains. Le ministre de 64 ans a été remercié avant-hier par l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). «Je ne m’alimenterai plus tant que je n’aurai pas été réintégré, expliquait-il hier après-midi. Ce qu’on me reproche? C’est d’avoir voulu soutenir d’autres collègues licenciés par l’Eglise.» Au culte radiodiffusé de dimanche, Daniel Fatzer a repris l’intention de prière d’un collègue pasteur licencié par l’EERV il y a quelques semaines. «Je me suis permis d’ajouter que ce collègue vivait une injustice ecclésiale.»

«Je suis scandalisé. J’emploie les mêmes mots que ceux qui m’ont licencié: «Votre comportement est inacceptable. Mais vous, vous avez le pouvoir de me licencier, et moi pas»

Line Dépraz, pasteure et membre du Conseil synodal de l’EERV, confirme le licenciement de Daniel Fatzer: «Non seulement il a cité un autre pasteur lors du culte à la RTS, mais il a donné sa propre interprétation de la situation professionnelle de ce pasteur. C’est une faute, il n’avait pas à citer un cas nommément en évoquant un dossier en cours devant la justice.» D’autant plus grave, selon le Conseil synodal, que Daniel Fatzer «avait soumis sa liturgie auparavant à la production des cultes de la RTS et que celle-ci lui avait dit que ce n’était pas possible, poursuit Line Dépraz. Il l’a quand même fait, sciemment.»

Autre motif: «Il y a eu une autre intention de prière, par SMS interposé, d’une personne qui accusait l’ancien président du Conseil synodal, Antoine Reymond, d’un licenciement injuste il y a plusieurs années. Ce SMS aurait dû être filtré, c’est une atteinte à la personne inadmissible.» Line Dépraz précise que le Conseil synodal a convoqué Daniel Fatzer pour une explication mercredi matin, mais que celui-ci ne s’y est pas rendu. «La décision de licenciement n’a pas été facile à prendre. C’est une situation douloureuse et je comprends la détresse dont cette grève de la faim est le signe, dit-elle. Toutefois, la carrière de Daniel Fatzer au sein de l’EERV a été parsemée de moments difficiles. Nous avions mis les choses à plat il y a quinze mois, nous avions expliqué dans quel cadre nous accepterions de poursuivre la collaboration. Or ce cadre n’a pas été respecté.»

«C’est inacceptable»

Au-delà de son cas personnel, le pasteur Fatzer veut surtout dénoncer la situation actuelle au sein de l’EERV: «L’Eglise a licencié cinq pasteurs en deux ans et six procédures pénales sont en cours.» Selon lui, le Conseil synodal fait montre d’un autoritarisme malheureux: «Nous sommes une Eglise plurielle, protestante, diverse. En tant que pasteurs, nous sommes formés dans une Faculté de théologie et on nous apprend à être critiques, dit-il. Tout à coup, on se retrouve dans un système où tout le monde devrait être aligné couvert. Je suis scandalisé. Et je dis que c’est inacceptable! J’emploie les mêmes mots que ceux qui m’ont licencié: «Votre comportement est inacceptable. Mais vous, vous avez le pouvoir de me licencier, et moi pas.»

«La décision de licenciement n’a pas été facile à prendre. C’est une situation douloureuse et je comprends la détresse dont cette grève de la faim est le signe»

Déléguée au Synode (assemblée législative de l’EERV), Suzette Sandoz a accouru hier à Saint-Laurent dès qu’elle a appris la nouvelle. «Ce qui se passe me perturbe un peu. J’aimerais avoir la possibilité d’arrêter cela, dit-elle. Une Eglise devrait être un lieu où l’on doit se pardonner et ne pas se jeter des anathèmes à la figure. Il s’agit d’êtres humains, perfectibles de part et d’autre. La recherche d’une conciliation grandirait tout le monde, c’est ce que je souhaite.»

Au menu du Synode

Le Synode, qui doit justement se réunir aujourd’hui et demain, est en train de revoir la gestion des ressources humaines au sein de l’EERV. «Nous allons confirmer le rôle d’une commission de médiation, rappelle Suzette Sandoz. Après cela, nous créerons une commission de règlement des litiges qui verra les choses sous un angle un peu plus juridique. Mais l’essentiel serait que les gens se parlent, ce qu’ils ne font pas en ce moment.»

La RTS a fait retirer hier le culte incriminé de son site. «Pas à notre demande, précise Line Dépraz. Il y a eu une discussion au sein de Médias-pro (ndlr: service protestant des médias) en début de semaine. Il a été signifié à Daniel Fatzer que le lien de confiance était rompu et qu’il n’était plus question qu’il participe désormais à un culte radiodiffusé.» Ce dernier regrette la décision: «Il serait important pour le public de réentendre ce culte, sans cela il sera difficile pour beaucoup de se faire une opinion.» Il s’apprêtait hier soir à passer sa première nuit à Saint-Laurent. Des amis se relaient à son chevet pour le soutenir et le veiller. (24 heures)

(Créé: 16.06.2016, 17h22)