L’Église protestante pourra bénir les mariages homosexuels

La décision de bénir les couples homosexuels a été prise à la quasi-unanimité./Photo DDM, archives

La décision de l’Église protestante de pouvoir bénir les mariages des couples de même sexe est une quasi première en France. Le vote a eu lieu hier lors du Synode de Sète.

Un coup de tonnerre a éclaté à Sète (Hérault), lors du synode des Églises protestantes (Réformée et Luthérienne) de France. Désormais, et s’ils le souhaitent, les pasteurs pourront bénir les couples homosexuels déjà mariés civilement.

Mais, face à cette annonce, force et de constater que ce n’est pas vraiment une première en France. La Mission populaire évangélique (MPEF), une Église beaucoup plus petite que l’Église protestante unie de France (EPUdF), autorise déjà ses pasteurs à participer à «un geste liturgique d’accueil et de prière» pour les homosexuels. Mais cette pratique reste encore marginale.

Unanimité après de houleux débats

Cette décision de bénir les couples homosexuels a été prise a la quasi-unanimité. Sur la centaine de délégués présents et ayant pris part au vote, 94 se sont prononcés en faveur de la possibilité d’une bénédiction. Seuls 3 se sont montrer contre cette décision cultuelle. Selon le pasteur Laurent Schlumberger, président du conseil national de l’EPUdF, «ce n’est pas une majorité qui a gagné contre une minorité. La décision intègre toutes les positions».

Cela fait près d’un an et demi, que l’Église protestante a ouvert le débat en son sein. Pour l’EPUdF, la décision du vote est «un pas de plus» pour «accompagner les personnes et les couples». C’est aussi un moyen de «permettre aux couples de même sexe de se sentir accueillis tels qu’ils sont et de respecter les points de vue divers qui traversent l’Église protestante». C’est pourquoi, et l’Église insiste sur ce point, «une telle bénédiction est bien une possibilité ouverte, elle n’est ni un droit ni une obligation. Elle ne s’impose à aucune paroisse». En supprimant le principe de contrainte, l’EPUdF affirme son ambition de transformer son Église.

Tout en se défendant d’être en concurrence avec une mouvance évangélique en forte croissance, l’EPUdF parie sur une démarche missionnaire pour «passer d’une Église de membres à une Église de témoins».

«Une décision prise contre tous les textes bibliques»

À en croire certains pasteurs comme Gilles Boucomont, présent à Sète, «pour la première fois en France depuis 1517 — date de la Réforme initiée par Martin Luther —, une décision synodale majeure est prise contre tous les textes bibliques». Avec une cinquantaine d’autres pasteurs et une centaine de conseillers presbytéraux, il avait signé un appel invitant les délégués du synode à ne pas statuer «dans la hâte de répondre à la pression de la société et l’évolution de ses mœurs». Certains des signataires craignant même «de profondes déchirures» à l’intérieur même de l’Église protestante.

Selon l’EPUdF, un nouveau pasteur serait accueilli chaque mois dans l’Église. Une statistique qui, face aux départs à la retraite, permet de stabiliser le nombre de ces pasteurs. D’ailleurs, 45 % des pasteurs de l’Église Protestante sont des femmes.


Repères

Le chiffre : 94

personnes > au synode. Ce sont 94 délégués sur 105 représentants de l’église protestante qui ont entériné la bénédiction des unions homosexuelles.


Des réactions partagées

Pour Jean-Luc Roméro, élu de la région Ile-de-France qui a mené combat pour le mariage homosexuel c’est une «magnifique avancée. La bénédiction des mariages gay, c’est un «grand geste d’amour en cette Journée contre l’homophobie».

Pour lui qui est homosexuel marié, «cette décision réconcilie les homosexuels avec les religions».

Cet avis n’est cependant pas partagé par tous et, notamment pas par de nombreux représentants, prêtres et fidèles de l’église catholique qui «voient là une décision irresponsable qui met à mal nos sociétés».

Chez les protestants, cette bénédiction ne fait cependant pas non plus l’unanimité .

Gilles ­Boucomont, pasteur du temple du Marais, à Paris «se déclare hostile à cette décision». Très actif dans les réseaux sociaux, le pasteur Boucomont était devenu le porte-étendard des opposants protestants.

Les vifs débats provoqués dans la société sur l’adoption du mariage pour tous en 2013 ont pesé sur le synode. Les Églises luthérienne et réformée avaient repoussé le sujet car elles étaient attachées à réaliser leur unité. «À l’époque, les questions sensibles avaient été mises sous le tapis», regrette un farouche partisan de la bénédiction. L’Église protestante «classique» était également confrontée aux positions tranchées des évangéliques et des pentecôtistes, opposés à cette bénédiction.