Les deux faces de l’Eglise protestante

Moderne, chaleureuse et décomplexée: côté pile, l’Eglise réformée vaudoise casse avec succès l’image d’austérité qui colle à la robe de ses ministres depuis des siècles. Après avoir apprivoisé réseaux sociaux et applications pour smartphone il y a plusieurs années déjà, l’institution s’est fendue d’un clip décalé sur le mariage, projeté au cinéma, et d’une campagne d’affichage plutôt piquante. Dans le même temps, à Lausanne, les impertinences du duo de pasteurs à la tête de Saint-Laurent-Eglise ont même séduit l’avocat genevois Marc Bonnant, pourtant athée convaincu, à l’enseigne d’un «procès» de Judas Iscariote.

Côté face en revanche, le ton, à l’interne, s’est durci. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer un Conseil synodal (exécutif) autoritaire, peu enclin au dialogue et à l’origine de mesures impopulaires: licenciements de pasteurs et volonté de réduire le nombre de cultes dominicaux. Les autorités ecclésiales peinent aussi parfois à gérer sereinement un office de ressources humaines interne – les 270 pasteurs et diacres en activité ne sont plus des employés de l’Etat, comme c’était le cas par le passé. Président du Conseil synodal, Xavier Paillard est plus particulièrement montré du doigt: il est vrai que le bon berger des réformés a le verbe sec et la houlette ferme. «Notre Eglise n’est plus au milieu du village, elle est au milieu d’un virage», martèle l’ancien pasteur nord-vaudois, et il a raison. Dans les temples, les fidèles vieillissent, tandis qu’à l’extérieur le syncrétisme gagne du terrain: le message biblique est saupoudré d’épices bouddhistes, enduit de paganisme écolo ou couvert de plumes d’anges New Age.

Pour affronter ces défis, l’institution a besoin d’une figure de proue solide, porteuse d’un message clair. Pourfendeur du consensus mou, Xavier Paillard est fait de ce bois-là. Reste juste au bouillant patron à mettre parfois les formes et un peu d’eau dans son vin. (24 heures)

(Créé: 26.05.2015, 19h16)