L’Eglise protestante vote le mariage gay en Norvège. On a toujours un coup d’avance

L’Eglise protestante norvégienne s’est prononcée en faveur du mariage pour les couples de même sexe. (M. Ole WOLD/NTB Scanpix/AFP)

Les choses changent, et pas qu’un peu. On constate, ces dernières années, une évolution générale dans l’acceptation des droits des personnes LGBT dans les églises protestantes. Dernière en date, l’Église protestante de Norvège, la principale confession du pays scandinave, a décidé, lundi 11 avril, d’autoriser les unions religieuses pour les couples homosexuels, tout comme l’Église Protestante de Berlin-Brandebourg deux jours auparavant.

Les avancées viennent du Nord

Ça prend un peu de temps. Les églises se rendent compte, au fur et à mesure, du changement de paradigme qui s’opère dans la société. En 1991, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Les églises, elles, mettent du temps à réagir. Et, en matière d’adaptation, le protestantisme a souvent un coup d’avance.

L’évolution vient du Nord : en Allemagne, le mariage religieux protestant est reconnu dans trois des Eglises Protestantes régionales, alors que le mariage civil ne l’est toujours pas (toutes les autres proposent au moins un rite de bénédiction aux couples de même sexe) ; la plupart des Eglises cantonales de la Suisse germanophone est très progressiste dans l’accueil de la communauté LGBT ; les pays scandinaves ont été influencés par le protestantisme ; l’Angleterre par l’église anglicane. Mais on peut aussi citer la grande ouverture des Vaudois d’Italie.

La Réforme – qui fêtera ses 500 ans l’année prochaine – porte dans ses gènes ce principe fondateur : “Ecclesia semper reformanda” : l’Eglise doit, sans cesse, se renouveler. Les pays méditerranéens ont peut-être plus de mal à laisser derrière eux une certaine culture du machisme et l’image plus traditionnelle de la famille. Ils sont plus méfiants vis-à-vis des changements.

En France, les couples LGBT peu rassurés

Il est important de rappeler qu’en France, comme en Belgique, le mariage religieux protestant n’existe pas. En revanche, on bénit les couples mariés civilement, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, au sein de l’Église protestante unie de France (EPUdF) et celle de Belgique(EPUB). On leur donne une “bénédiction nuptiale”.

L’EPUdF a ouvert, depuis mai 2015, la possibilité aux paroisses et aux pasteurs de bénir les couples LGBT. On peut cependant regretter qu’on laisse toute liberté aux pasteurs qui s’y refusent et que, de cette manière, des couples qui frappent à la mauvaise porte essuient un rejet.

J’espère que nous allons suivre la voie de l’Eglise de Berlin-Brandebourg, qui a érigé en règle la bénédiction nuptiale pour les couples de même sexe. Les pasteurs ont le droit de refuser de les unir s’ils invoquent des raisons bibliques, mais cette clause de conscience n’est valable que pour cinq ans. Ils sont également obligés de justifier leur refus et de trouver une solution de rechange pour les couples en question.

En Norvège, en revanche, l’Eglise luthérienne a longtemps été – et l’est toujours, plus ou moins – une Eglise d’Etat. Même s’il existe maintenant un mariage civil laïc en Norvège, les unions religieuses ont toujours valeur civile. Il n’est donc pas nécessaire de passer devant le maire pour se marier à l’église. C’est la même chose si vous entrez dans une chapelle à Los Angeles ou à Las Vegas : votre mariage sera ensuite reconnu par l’Etat.

Textes archaïques

Je ne suis pas homosexuel. Mon engagement pour la cause LGBT est complètement indépendant et ne date pas d’hier. Originaire d’Allemagne, j’ai vécu un protestantisme relativement ouvert. En rejoignant un ministère français, il y a 20 ans, j’ai pu constater que la plupart des pasteurs autour de moi avaient encore une compréhension archaïque de la question homosexuelle, notamment à cause d’une lecture littérale de la bible concernant ce sujet.

Les réactions religieuses, il y a trois ans, contre le Mariage pour tous, m’ont également catastrophé. Même le protestantisme, qui est une religion progressiste, n’a pas soutenu la communauté LGBT.

Vous trouverez toujours, dans un certain nombre de textes religieux, des passages qui racontent que les actes homosexuels sont une abomination devant Dieu. Il faut les remettre dans leur contexte historique, un contexte patriarcal qu’on ne peut plus lire de manière littérale aujourd’hui.

L’Eglise protestante ne le sait que trop bien. Elle accepte depuis quelques décennies le ministère féminin. Alors que, pendant longtemps, elle a brandi la bible pour s’y opposer, cette évolution fait aujourd’hui partie intégrante de notre identité protestante.

Bousculés dans leur foi

Depuis quelques années, j’anime, tous les deux mois, un groupe de prières et d’échanges réservé aux personnes LGBT. Là, ils peuvent ouvertement vivre leur foi dans un espace protégé. Je les connais bien maintenant. Je ne cesse de me demander pourquoi il y a tant d’incompréhensions et de haine dans nos églises, alors qu’on devrait être dans l’amour du prochain et dans l’ouverture.

Au début, il y a eu des résistances exprimées par certains fidèles, qui ont refusé que ces activités de prières soient considérées comme “paroissiales”. Depuis, pourtant, plusieurs paroissiens sont venus participer, un peu intrigués, et se sont laissés toucher par ça. Je pense notamment à des dames d’un certain âge, qui ont été bousculées dans leur foi et dans leur manière de vivre leur foi.

Propos recueillis par Julia Mourri