Jan de Haas est parti avec sa foi

Dans les années 1990, il avait offert ses nuits aux défavorisés et aux toxicomanes des rues lausannoises. L’ancien pasteur Jan de Haas, qui avait repris la tête de la paroisse réformée de Moudon de 2004 à sa retraite, en 2015, s’est éteint jeudi en fin d’après-midi. L’église Saint-Etienne de la cité broyarde, dont il avait pris soin d’ouvrir les portes aux visiteurs et aux pèlerins, perd un homme vrai et un éternel défenseur des droits humains. «Il avait une bienveillance, un respect de l’autre. Pour moi, c’est un grand homme», souligne son fils, Robin.

«Un homme qui a profondément marqué la vie caritative lausannoise», ajoute le pasteur Alain Martin. Jan de Haas fonde la Pastorale de rue à Lausanne en 1990 et devient très médiatisé alors qu’il arpente le bitume avec Mère Sofia pour endiguer les ravages du sida chez les toxicomanes. «Il est allé où on ne l’attendait pas car, quand il avait une conviction, il ne la lâchait pas. Son authenticité a été son plus bel atout, il incarnait chacune de ses paroles», admire Line Dépraz, pasteure et membre du Conseil synodal.

«Il est allé où on ne l’attendait pas car, quand il avait une conviction, il ne la lâchait pas»

Confronté pendant des années à ce que la rue offre de plus dramatique, il confessait en avril dans 24 heures: «L’alcool, le sida, les overdoses tuaient à tour de bras. C’était terrible de voir tous ces jeunes mourir.»

Un style et des idées

Enfant de Mai 68, Jan de Haas débarque des Pays-Bas en 1970 pour suivre un cours de communication relatif à ses études de théologie. Il rencontre alors Geneviève, qui deviendra sa femme. Ensemble, ils s’installent dans une ferme pour vivre en communauté. «Il me parlait souvent des chèvres dont il s’occupait à cette époque, se souvient Laurent Zumstein, coordinateur régional des pasteurs de la Broye. Il faisait partie de ces étudiants en réaction, sauf qu’il a toujours su transformer ça en quelque chose de constructif.»

De son époque yé-yé, l’homme avait conservé un style vestimentaire coloré. «Je me souviens également d’un détail visuel qui m’avait marqué, raconte le pasteur lausannois Daniel Fatzer. Sous sa belle robe pastorale, il portait de gros sabots en bois et un jean, une sorte de méfiance par rapport à la bourgeoisie bien-pensante.»

A Moudon où il vivait depuis le printemps 2002, il avait retrouvé la problématique de l’asile et s’était attaché à transformer l’église Saint-Etienne en un lieu de vie et d’échange. «Il voyait toujours le meilleur chez les gens, pour lui chacun avait le droit d’avoir une place», témoigne encore son fils. Et d’enchaîner par une anecdote qui dit beaucoup de l’ancien pasteur: «Quand j’étais jeune et lui très médiatisé, un ami de la famille m’a demandé si ça me dérangeait d’être toujours «le fils de». J’ai répondu sans réfléchir qu’un jour ce serait Jan qui serait «le père de». Et mon père a ajouté: «Et ce sera un des plus beaux jours de ma vie.» Il nous a toujours portés car il avait confiance et nous donnait la permission d’être nous-mêmes.»

«Immense sagesse»

A l’été 2015, tout jeune retraité, il avait réalisé avec Geneviève l’un de leurs rêves communs: rejoindre les Etats-Unis en bateau pour voir la statue de la Liberté afin d’entrer dans cette nouvelle étape de leur vie.

Egalement engagé en politique, il était membre du Conseil communal de Moudon et à nouveau candidat sous la bannière PS pour les élections de février. «Sur tous les sujets, il avait des perspectives, du recul, c’était un homme d’une immense sagesse», conclut son fils. (24 heures)

(Créé: 29.01.2016, 18h44)