«J’aimerais que le Conseil synodal admette ses torts»

Statuer sur des conflits de travail, c’est le pain quotidien d’un Tribunal de prud’hommes. Sauf que l’employeur assigné depuis hier devant la juridiction de Lausanne est plutôt inhabituel: l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV). Daniel Nagy, pasteur viré par l’institution en 2015, estime que son licenciement était abusif. L’histoire de ce ministre de 37 ans, en poste durant six ans dans le Chablais avant de recevoir son congé, avait fait polémique l’an dernier. A tel point que le synode a décidé samedi de modifier ses règles internes pour la gestion du personnel (lire ci-dessous).

L’heure n’est plus au dialogue entre le pasteur et son ancien employeur. Le vice-président des Prud’hommes, François Gilliard, a bien tenté hier soir d’inviter les deux parties à un ultime arrangement. En vain. Le plaignant réclame un dédommagement supérieur à 20 000 francs, nettement plus que ce qu’offre l’EERV. Mais l’essentiel est ailleurs: «La sanction qui m’a frappé était brutale alors que j’attendais un peu de bienveillance. J’aimerais surtout que le Conseil synodal (ndlr: l’Exécutif de l’EERV) admette ses torts», expliquait Daniel Nagy avant la séance. L’avocat de l’EERV, Olivier Subilia, rétorque: «Il me paraît dommageable d’envisager que l’EERV aurait mal géré ce dossier.»

Le bras de fer devant la justice civile débute alors, avec l’audition de quatre témoins, tous convoqués par Christophe Tafelmacher, avocat du pasteur. Un paroissien de Gryon dit «son admiration pour ce ministre créatif qui savait rajeunir les cultes. Je considère que c’est une honte de l’avoir renvoyé.» Une autre paroissienne, qui louange également le travail de l’ancien pasteur, avoue son incompréhension face aux décisions du Conseil synodal. Certes, la paroisse des Avançons (Gryon et Bex) était en proie à des tensions depuis 2011: «A mon avis, cela concernait le conseil paroissial et pas du tout les ministres. Le pasteur Nagy a été victime d’une injustice.»

Suspendu avant Noël

Une autre paroissienne de Gryon estime que «le président de paroisse d’alors n’avait pas la compétence pour gérer deux ministres», soit Daniel Nagy à Gryon et la pasteure de Bex. Daniel Nagy avait été suspendu de ses fonctions pendant deux semaines, juste avant Noël 2013. «Pour des raisons incompréhensibles, dit-elle, c’était une mesure choquante qui tombait de nulle part.» Daniel Nagy avait demandé à baisser son temps de travail: «Le responsable des ressources humaines de l’EERV lui a demandé dans une lettre de se reposer la question de sa vocation, vous vous rendez compte?» En 2014, le Conseil synodal décidera de déplacer ailleurs les ministres en poste à Gryon et à Bex. Selon l’EERV, Daniel Nagy refusera les postes proposés. Une version que l’intéressé conteste. Le licenciement qui surviendra ensuite «m’a attristé, je me suis dit qu’on était en train de perdre un des meilleurs jeunes éléments de cette Eglise», explique Jacques-André Haury, qui avait fait partie de la commission de consécration du pasteur.

Trois procès attendus

Le procès se poursuivra le 26 mai, avec d’éventuels autres témoins et les plaidoiries des avocats. Il n’est sans doute pas le dernier auquel l’EERV devra faire face: les trois autres pasteurs licenciés récemment par l’institution devraient aller devant la justice. Daniel Nagy, lui, a retrouvé du travail à Fribourg, où il travaille en tant qu’aumônier de l’Hôpital cantonal. (24 heures)

(Créé: 02.05.2016, 22h23)