«Il faut en finir avec l’Église de grand-papa»

Une porte grande ouverte, des jouets d’enfants un peu partout, un trampoline au milieu du jardin, un drapeau suisse affublé du logo du Lausanne Sport à la fenêtre. Le bâtiment de la cure de Savigny où Benjamin Corbaz vit avec sa femme et son fils depuis août 2015 – date à laquelle il a pris la tête de la paroisse de Savigny-Forel – est à l’image de son locataire. Construit au XVIIe siècle, cet ancien couvent de frères franciscains à l’architecture plutôt rigide et austère respire aujourd’hui la joie de vivre, l’ouverture sur le monde, la modernité. «Ce lieu, c’est vraiment qui je suis», confirme l’homme de 36 ans. Un pasteur qui, conscient des traditions et des valeurs de son Eglise, veut y insuffler un vent de fraîcheur et de renouveau.

Sur la table de sa salle à manger sont posés son smartphone et son ordinateur. Féru de nouvelles technologies et très actif sur les réseaux sociaux, Benjamin Corbaz ne se déplace jamais sans «ses outils de travail», comme il les appelle. Véritable pasteur 2.0, il est présent sur Facebook et tient un blog lu par toujours plus d’internautes à travers le monde. Il tweete également beaucoup, que ce soit au sujet de la dernière victoire du Lausanne Sport, de ses séries télévisées préférées, ou encore des dernières actualités de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). Pour prêcher la bonne parole, il n’attend pas que les gens viennent à lui. C’est lui qui va vers eux, sur le Web. «Il faut vivre avec son temps», insiste-t-il.

Si aujourd’hui il n’échangerait sa place de ministre pour rien au monde, quand il était petit, Benjamin Corbaz était pourtant catégorique. Jamais de la vie, il ne deviendrait pasteur. Un métier qu’exerçaient à la fois son père et sa mère. «A l’époque, ce qui me faisait rêver, c’était plutôt le sport et surtout le foot, se rappelle ce fervent supporter du Lausanne Sport. Faire la même chose que mes parents ne m’intéressait pas.»

L’appel, le fameux, c’est sur le tard que le Vaudois l’entend. Il a presque 25 ans lorsque, attablé à une terrasse de l’Université de Lausanne, où il suit des études de lettres, un de ses amis lui demande ce qu’il va faire une fois son diplôme en poche. Hésitant entre le journalisme sportif, l’enseignement ou le social, il répond qu’il n’en sait rien. «Mais pourquoi ne ferais-tu pas pasteur?» lui rétorque alors son collègue. S’il avait toujours refusé l’idée, cette discussion le taraude. Encore très actif auprès des jeunes, notamment dans l’accompagnement de camps de catéchisme, il prend conscience que c’est là qu’il y a découvert le sens profond de l’amour de Dieu. «Ado, ma vie était compliquée. Mal dans ma peau, j’ai eu de la peine à trouver ma place. Pourtant ces camps de catéchisme m’ont aidé à me construire. Je m’y sentais épanoui et heureux.» C’est une révélation. Il réinterprète ce souvenir comme étant l’appel de Dieu. Le fameux.

Il se lance alors dans des études de théologie avec, dans un coin de la tête, l’idée de changer l’image parfois austère et figée de son Eglise. «Avec des parents pasteurs, j’ai remarqué que beaucoup de préjugés et de stéréotypes lui étaient rattachés. En me lançant dans cette voie, j’ai voulu donc faire les choses autrement. Il faut en finir avec l’Eglise de grand-papa: elle doit se réinventer, innover, oser, tout en gardant profonde les traditions qui ont fait son histoire et sa force.» Pour lui, l’Eglise doit être un lieu de vie avant tout. «On doit pouvoir y rire, y pleurer, y danser, y chanter, ou simplement s’y asseoir et écouter. Mais elle doit surtout être un lieu ouvert à tous qu’on soit jeune ou vieux, homme ou femme, gay ou hétéro.» Avant de conclure: «Dieu a un amour inconditionnel pour chacun de nous.» (24 heures)

(Créé: 07.07.2016, 10h07)