«Il est beaucoup plus difficile d’être pasteur aujourd’hui»

Depuis le licenciement de deux pasteurs dans le canton, grogne et anxiété gagnent certaines cures vaudoises. Président du Conseil synodal, l’organe exécutif de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), Xavier Paillard est sous le feu de vives critiques depuis trois semaines. Il répond.

– Plusieurs pasteurs et laïcs évoquent le «sentiment de malaise» qui touche aujourd’hui l’Eglise réformée. Le constatez-vous aussi?
Oui, indéniablement. Plusieurs collègues, laïcs ou paroissiens sont ébranlés par les mesures qui ont été prises et leur écho médiatique. Mais il me semble important de souligner que ces décisions ne sont pas le seul facteur de déstabilisation que traverse actuellement l’Eglise. Nous sommes confrontés à trois réalités. Tout d’abord, l’individualisation de la société et l’émergence de spiritualités laïques fragilisent la vie communautaire des paroisses traditionnelles. Ensuite, on n’appartient plus, aujourd’hui, à une Eglise par filiation, mais par une adhésion résultant d’une conviction. Autrefois, on n’avait pas besoin de convaincre les parents d’envoyer leurs enfants au catéchisme, par exemple. Enfin, les fonctions dites de référence, comme municipal, gendarme ou pasteur, sont de moins en moins reconnues. Il est beaucoup plus difficile d’être pasteur aujourd’hui qu’il y a quelques décennies, le Conseil synodal en est pleinement conscient. Des collègues se trouvent en situation de fragilité et ont besoin d’un soutien que nous cherchons à leur apporter. Plusieurs mesures ont été mises en place à cet effet.

– Outre les licenciements, on parle aussi de cas de burn-out.
C’est vrai, à l’instar de ce qu’on voit dans d’autres professions. A mes yeux, ces situations résultent de la perte de sens du métier, et pas seulement d’une surcharge de travail. Face aux changements actuels, certains se sentent démunis, d’autres mettent les pieds au mur, d’autres encore sont stimulés. C’est vrai pour les ministres comme pour les paroissiens d’ailleurs.

– En février dernier, le Synode (parlement de l’Eglise) a «pris acte» de votre programme de législature, sans l’avaliser. Un geste de défiance à l’égard des autorités ecclésiales?
Non, ce n’est pas le fond du programme qui pose problème, mais son statut: le programme de législature appartient à l’exécutif, le Synode n’a pas à l’approuver. Notre programme a d’ailleurs été jugé clairvoyant et courageux par plusieurs Eglises sœurs de Romandie. Et le règlement sera modifié pour la prochaine législature.

– Certaines voix, dont celles de Suzette Sandoz, critiquent la double casquette de l’EERV, à la fois employeur et chef spirituel.
L’Eglise est une communauté de foi, mais aussi une institution de droit public. Il est inévitable que des tensions surviennent entre ces deux pôles. Mais affirmer que l’Eglise doit être gérée par deux entités différentes, c’est, à mon sens, une grave erreur. D’un point de vue réformé, la gestion courante doit être spirituelle, tout comme la spiritualité s’incarne dans la gestion de l’Eglise. C’est la même chose dans la vie d’une personne: sa spiritualité s’incarne dans son quotidien. Il est important que le Conseil synodal représente l’EERV dans son rôle d’employeur. Maintenant, aucune institution n’est parfaite et on peut imaginer quelques aménagements relatifs au rôle de la commission de discipline ou aux voies de recours.

– On vous reproche parfois un caractère trop autoritaire.
C’est en effet un grief que j’entends, qui n’est pas facile à vivre, et que mes collègues du Conseil synodal démentent formellement. Prétendre que c’est moi qui décide, c’est méconnaître notre fonctionnement, et c’est un affront à mes collègues. Toutes les décisions en Eglise sont prises par le Conseil synodal, et non par Xavier Paillard uniquement.

– Face aux turbulences, le Conseil synodal avance-t-il uni, ou des dissensions sont-elles apparues?
Il y a une dynamique d’équipe remarquable, nous sommes sur la même longueur d’onde.

– Quels moyens allez-vous déployer pour ramener le calme dans l’Eglise?
Il faut privilégier le dialogue avant tout. La prochaine session du Synode, en juin, se déroulera sur deux jours et demi afin de favoriser les échanges. Le Conseil synodal ira par ailleurs, ces prochains mois, à la rencontre de tous les 270 pasteurs et diacres de l’EERV, qui seront également conviés à deux jours de retraite en janvier 2016. Nous avons aussi prévu des rencontres informelles dans les régions du canton, dès le mois de septembre, afin de permettre à la population de dialoguer avec le Conseil synodal. (24 heures)

(Créé: 27.05.2015, 06h37)