Epc: Affrontements sanglants à la paroisse Beedi

Le modérateur du consistoire Sanaga est descendu, ce 13 juillet 2014, dans cette paroisse située au quartier Beedi, contre le gré des fidèles, pour installer un nouveau pasteur. Les choses ont mal tourné…
 

« Chien ! Mouff ! Tu n’as pas honte ? Regarde-moi ça ! ». Ce sont les propos d’un homme de Dieu. Un pasteur. Le révérend Jean Calvin Nonnyo, double modérateur de la paroisse Adna Douala et du consistoire Sanaga, synode Bassa Cameroun. Ils sont balancés en pleine figure à un autre pasteur, le révérend Alain Claude Mbayen, modérateur de la paroisse Beedi. Devant les fidèles de cette paroisse située non loin du lieu-dit « Haute tension ». Et de quelques policiers des Equipes spéciales d’intervention rapides (Esir) et du commissariat du 10e arrondissement. C’est justement le commissaire en personne qui est à la manouvre. Au milieu d’une foule bigarrée qui gronde. Nous sommes devant la porte centrale du temple. La 13e heure vient de s’enorgueillir de sa 8e palpitation. Les fidèles sont tétanisés par les propos du modérateur du consistoire Sanaga qui transpire à grosses gouttes. «C’est un pasteur qui parle comme ça ?», s’étonnent les uns et autres. Jean Calvin Nonnyo, vêtu d’un costume sombre, multiplie des insultes à l’endroit du modérateur de la paroisse de Beedi. Il n’hésite pas d’ailleurs à l’empoigner violement quand ce dernier s’interpose, quand il veut entrer par la force dans le temple. «Un pasteur qui porte un autre pasteur pour le jeter dehors, du jamais vu. Les gens-ci louent vraiment Dieu?», s’écrient les fidèles abasourdis.
La cour de la paroisse est noire du monde. Par groupuscules, les fidèles commentent. Les badauds sont à l’affut de l’info. Ils ne peuvent s’empêcher d’éclater de rire, quand ils sont mis au parfum du scénario.
Selon des témoignages concordants, le culte dominical débute très bien ce dimanche 13 juillet 2014. Au moment de la lecture biblique, à un peu plus de 10 heures, pendant que toutes les portes sont fermées, une escouade de jeunes armés de gourdins prend d’assaut le temple. Sous la conduite du modérateur du consistoire Sanaga, lui-même armé d’un morceau de latte. Jean Calvin Nonnyo est accompagné du modérateur Kana, le pasteur à installer à la paroisse Beedi. C’est lui qui donne l’ordre de tout casser. Ainsi, la porte principale est cassée. Entretemps, ses mutants entrent par la fenêtre, avec un seul dessein, installer le pasteur Kana. Une bagarre générale éclate. Les fidèles de Beedi qui ne veulent plus d’un autre pasteur opposent une riposte violente qui se solde fort heureusement par des blessures légères, grâce à l’intervention urgente du sous-préfet de Douala 5e, qui y dépêche dare-dare les forces de l’ordre. Ce sont elles qui réussissent à mettre tout le monde dehors et à sceller par la suite le temple. Les fidèles de Beedi n’arrivent pas à justifier cet acharnement du consistoire Sanaga. Et surtout l’insistance du nouveau pasteur. « Nous avons eu un échange avec le consistoire jeudi dernier et nous leur avons dit que nous ne voulons pas d’un pasteur chez nous et que nous sommes une vacant church, cette réunion s’est achevée en queue de poisson», explique le collège des anciens d’église. Du côté du camp d’en face, on soutient que le pasteur Alain Claude Mbayen est déposé. Le berger a été démis de ses fonctions par le Consistoire pour insubordination, faux et usage de faux, et esprit de révolte. Mais les brebis ne sont pas d’accord avec cette décision de la tutelle et veulent conserver leur guide. Même s’il n’officie plus, le pasteur occupe toujours le presbytère notamment. «Le presbytère appartient aux fidèles. C’est nous qui l’avons construit et choisissons qui y réside», confie un paroissien. Déjà, conformément aux dispositions du Livre de Gouvernement, le Comité de nomination de la paroisse s’est réuni et a choisi le révérend Mbayen comme pasteur. La disposition évoquée donne la possibilité aux paroissiens de choisir eux-mêmes leur berger. Puis, les membres de la paroisse ont engagé la rupture de collaboration avec le Consistoire Sanaga. «Malgré nos doléances faisant part de nos engagements vis-à-vis de celui qui était le modérateur de notre paroisse (…) vous lui avez infligé la sanction de 4e degré de manière inconstitutionnelle. Cette décision confirme que vous avez renié vos enfants que nous sommes. Pour cela, nous ne sommes pas prêts à recevoir des pasteurs issus de votre Consistoire », écrivent notamment les paroissiens et anciens de l’église dans une correspondance adressée au Consistoire Sanaga. Pour les fidèles, le révérend Mbayen a fait «du bon travail» à la paroisse. «Depuis des dizaines d’années d’existence, ce n’est qu’avec sa venue que les travaux de l’église sont au niveau actuel…», confie un paroissien. De l’autre côté, le consistoire reste campé sur sa position. «Le pasteur Mbayen n’est plus pasteur. Il a été déposé et un autre pasteur a été affecté depuis février…» De l’inédit. Simplement.