Entretien avec Franck Lefillattre

Durant 14 ans, Franck Lefillatre a exercé le ministère pastoral avec son épouse Ester. Étudiant, ce fils et petit-fils de pasteurs ne s’orientait pourtant pas vers le ministère. À la théologie, il préfèrera les sciences politiques. Et ce n’est que des années plus tard qu’il répondra à l’appel du Seigneur sur sa vie, d’abord dans le sud de la France, puis à Paris. Il a été de nombreuses années, le pasteur principal de l’église évangélique de Paris Métropole, initiateur du projet Paris pour Christ, et impliqué dans la formation des leaders au sein de l’église locale. Aujourd’hui à la croisée des chemins, Franck a accepté de répondre aux questions d’Info Chrétienne. Nous le remercions pour sa confiance, la profondeur et la sincérité de ses réponses, et pour son coeur de voir les chrétiens entrer pleinement dans le ministère que Dieu leur a confié.

  1. Franck, peux-tu nous raconter ta rencontre avec Jésus ?

Dès mes premiers jours, je fus plongé dans ce bainJ’ai grandi dans une famille pastorale. Grand-père et père furent tous les deux pasteurs au sein des Assemblées de Dieu de France. Et dès mes premiers jours, je fus plongé dans ce bain. Je rends grâce à Dieu pour la sagesse de mes parents qui ont toujours su consacrer à ma sœur, mon frère et moi le temps et l’attention qu’il fallait. Et contrairement à ce que l’on entend parfois, mes années d’enfant de pasteur n’ont pas été une peine, mais une joie. En même temps, mes parents m’ont donné l’amour des Écritures. J’aimais entendre les prédications sur Jésus et particulièrement sur la croix. Je ne sais pas le nombre de fois que j’ai répondu à un appel et donné mon cœur à Jésus. Mais je suis convaincu qu’aucune de ses réponses ne fut inutile. Chacune construisait ma foi.

J’ai été aussi très tôt en contact avec la puissance de l’effusion du Saint-EspritJ’ai été aussi très tôt en contact avec la puissance de l’effusion du Saint-Esprit et mon désir de vivre cela personnellement était grand. Un soir, lors d’un camp d’ados, mon papa prêcha quelques minutes, lança un appel pour qui voulait être baptisé du Saint-Esprit, et en quelques instants une vague de puissance descendit sur tout le groupe réuni, une bonne soixantaine. J’avais 13 ans. Dieu venait de marquer ma vie d’une manière indélébile.

Ce n’est toutefois qu’à l’âge de 17 ans, quelques semaines avant mon bac, que je m’engageais dans les eaux du baptême, suite à une conversion solide dans des circonstances particulières. A cette époque, mon papa était directeur de l’Ecole Biblique de Léognan. Un soir, j’étais dans un coin de la grande salle de réfectoire alors qu’il donnait un cours d’apprentissage de la prédication. Il enseignait sur l’évangélisation et l’appel. Apparemment, cela fut efficace, puisque de simple visiteur distrait, j’étais devenu auditeur convaincu. Et dans mon cœur, je répondais à l’appel de Dieu.

Cela me prit néanmoins 10 ans pour apprendre la différence entre croire dans son cœur et donner sa vie au Seigneur. Et je me rappelle du jour où dans une prière, je dis à Jésus : « Pardon, Seigneur, pour les années perdues, aujourd’hui, je te donne ma vie. » Et quelques semaines plus tard, son appel à le servir se faisait entendre (de nouveau) en moi.

  1. Quel a été le déclic qui a marqué le début de ton ministère ?

Quelques semaines après mon baptême, je reçus l’appel de servir le Seigneur dans la prédication. Et dès l’été qui suivit, je recevais aussi un fardeau pressant pour Paris, ville que je ne connaissais que comme touriste occasionnel. Cependant, je ne concrétisais pas cet appel, et je m’engageais dans des études d’Économie et Politique à Paris et aux Etats-Unis. Je dois témoigner de la fidélité de Dieu qui me permit de faire de solides études qui ont contribué à me donner des outils utiles pour le ministère.

Elle n’est pas simplement ma compagne de vie, mais aussi ma première compagne dans le ministère après le Saint-EspritEn 1998, nous nous marions avec Ester. Nous nous connaissions depuis notre enfance en colonie. Mais ce n’est qu’en 1997 que nous nous sommes retrouvés dans son église à Chambéry. Elle est une part importante du processus par lequel le Seigneur ranima en moi la flamme de l’appel. D’ailleurs, elle l’est toujours. Elle n’est pas simplement ma compagne de vie, mais aussi ma première compagne dans le ministère après le Saint-Esprit. C’est après notre mariage qu’intervint cette prière de consécration de ma vie à Dieu, que je mentionnais tout à l’heure. Quelques jours plus tard, lors d’un rassemblement en région lyonnaise, le Seigneur renouvela son appel et le confirma ensuite par ce verset qui est la pierre de fondation de mon ministère :

« C’est lui que nous annonçons, exhortant tout homme, et instruisant tout homme en toute sagesse, afin de présenter à Dieu tout homme, devenu parfait en Christ. C’est à quoi je travaille, en combattant avec sa force, qui agit puissamment en moi. »
Colossiens 1.28-29

Je partageais cela avec Ester lors d’une balade en voiture et elle me rejoignit aussitôt dans cet appel que nous n’avons cessé depuis de partager ensemble.

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  1. La vie est parfois soumise aux épreuves. Serais-tu d’accord d’en partager une avec nous, et surtout de nous faire découvrir de quelle manière tu l’as surmontée avec la grâce de Dieu ?

En septembre 1995, mon papa, âgé de 49 ans, décédait des conséquences d’un cancer du péritoine. J’avais 25 ans, et c’était un effondrement pour toute la famille. Non seulement il me semblait que sa vie était inachevée, mais aussi son ministère. Il était dans la force de l’âge et dans la pleine maturité de son appel. Et là, tout s’arrêtait. Néanmoins, le Seigneur avait démontré sa fidélité et sa présence dans toute cette épreuve. Tout avait commencé par une parole de connaissance dans laquelle Dieu l’avertit qu’il devait se préparer à le rejoindre.

La maladie se déclara quelques temps plus tard, elle envahit progressivement tout son système digestif. Ce qui me marqua le plus alors fut la grâce qui reposait sur lui. Dans leur protocole, les médecins avaient mis à sa disposition une pompe à morphine qu’il pouvait actionner librement pour alléger ses douleurs. Il l’utilisa une nuit qui fut une nuit de cauchemars : des visions de loups et de ténèbres. Il stoppa immédiatement cela et se confia dans le Seigneur qui le soulagea et l’accompagna jusqu’au bout. Dans les derniers jours, alors que son corps était rempli de métastases, les médecins étaient stupéfaits de le voir si paisible.

C’est dans son repos que nous avons trouvé notre consolation
En fait, c’est comme s’il n’était plus avec nous. Il était déjà avec le Seigneur, dans son repos. Je me rappelle le dernier regard que nous avons partagé… Comme Paul l’explique au début de la Seconde aux Corinthiens, c’est dans son repos que nous avons trouvé notre consolation. Ce repos était la consolation que Dieu lui accordait et cette consolation dans ses souffrances nous consolait à notre tour. Le souvenir de ce repos nous a accompagnés tout au long de notre période de deuil et nous a permis de le surmonter.

  1. Quel est le projet ou la réalisation dont tu es le plus fier ?


Nous achevons avec Ester 10 années extraordinaires de ministère à l’Eglise Paris Métropole pendant lesquelles la grâce du Seigneur n’a cessé de nous accompagner. J’avais donc 17 ans lorsque je reçus un appel pressant pour Paris, mais ce n’est que 20 ans plus tard que le Ps Boulagnon m’appelait pour lui succéder sur l’église de la Roquette (son nom de l’époque). Nous étions à ce moment en plein questionnement sur notre avenir. Plusieurs propositions pastorales nous étaient soumises, mais aucune ne trouvait un assentiment de l’Esprit dans nos cœurs… jusqu’à cet appel.

Parallèlement, nous multiplions les cultes, deux puis trois… puis quatre
Nous avons alors quitté le Sud ensoleillé pour les quais de Seine. Nous n’avons rien regretté. Très rapidement, l’église se mit à croître et nous avons essayé de l’accompagner au mieux. Des collègues nous ont rejoints, Benjamin et Marion Dérand, Didier et Isabelle Biava, Pierre et Mélodie Fauchy. Des jeunes se sont levés pour le ministère, et aussi des leaders de louange, des diacres, des anciens. L’église se renforçait. Parallèlement, nous multiplions les cultes, deux puis trois… puis quatre et l’ouverture d’une église à Noisy-le-Grand. Nous étions complètement saturés. Notre bâtiment d’église est un don de Dieu. Acheté à une époque où notre quartier avait peu d’intérêt, il est maintenant situé en plein cœur du Paris vivant et jeune, le quartier de la Bastille. C’est un lieu d’attraction et de convergence, mais c’est aussi un lieu limité en termes d’accueil, 280 places et quelques salles complémentaires.

« Allez au théâtre Déjazet »Depuis des années, je cherchais de nouveaux locaux avec cette conviction partagée par l’Eglise : ne pas quitter Paris. Seulement, des locaux en plein Paris adaptés à une Eglise en croissance, c’est une chose rare et très spéculative. Au printemps 2016, j’étais vraiment sous pression et tous mes efforts avaient échoué. Je capitulais devant le Seigneur en lui disant : « Je n’ai pas trouvé de solution, j’abandonne ». Trois jours plus tard, dans les couloirs du métro de Bastille, le Saint-Esprit me saisit et me dit : « Allez au théâtre Déjazet ». Il se situe place de la République avec une capacité d’accueil de 700 personnes et des salles annexes.

Fort de la conviction du Saint-Esprit, je partageais ce projet avec l’Eglise. C’était un défi, me semble-t-il, jamais réalisé en France : séparer l’Eglise en deux, une moitié à Bastille et une moitié à République. Ce n’était pas une division mais une multiplication cellulaire. Nous nous sommes préparés tout l’été, formant les leaders et les équipes. Et en septembre, nous nous lançions. Aujourd’hui, les deux sites fonctionnent très bien. Nous nous retrouvons régulièrement pour des cultes en commun. C’est impressionnant de voir le théâtre plein. Nous réunissons lors de ces journées plus de 1.000 adultes. Je remercie le Seigneur pour tous les efforts, le courage et l’engagement des chrétiens de l’Eglise Paris Métropole.

10 ans donc de ministère, de travail, de combat, et au bout du compte, une réelle percée qui en appelle d’autres. Notre vision, c’est Paris Pour Christ.

  1. Quelle est la plus grande leçon que tu as apprise au travers de ton ministère ?

Servir Dieu avec des compagnonsDepuis longtemps, j’avais une aspiration profonde : servir Dieu avec des compagnons. J’étudiais précisément ce que Paul enseigne sur ce sujet. Sans cesse, il fait mention de ses compagnons de service, d’œuvre, de combats, de voyage, de captivité… Cette idée est un des grands principes qui a permis la croissance de EPM. Je remercie le Seigneur qui m’en a accordé de nombreux : des collègues pasteurs (confirmés ou débutants) qui se sont joints à nous de l’extérieur ou levés dans l’église, des diacres, des anciens, des leaders avec des capacités extraordinaires, des gens merveilleux, passionnés pour le Royaume de Dieu.

Il ne peut plus s’agir de fonctionner dans un modèle pyramidalDe servir avec des compagnons implique un état d’esprit particulier. Sans remettre en cause, la nécessité d’un leadership décisionnel, il ne peut plus s’agir de fonctionner dans un modèle pyramidal. Les valeurs que j’ai donc essayé de communiquer à l’Église sont encouragement, liberté, audace, coopération, honneur. Et malgré des erreurs desquelles nous apprenons, les choses se développent dans le bon sens. Cela impliquait aussi pour moi de me libérer d’un schéma de leadership qui a souvent cours dans nos églises : celui du grand chêne majestueux… auprès duquel rien ne pousse. Mon désir a toujours été que mes collègues exercent pleinement leur ministère. J’ai appris à leur laisser la place en toujours plus de choses, quitte à réduire la mienne. C’est ainsi que l’Église devient un jardin d’Eden avec une multitude d’arbres portant toute sorte de fruits pour satisfaire les besoins d’une diversité de gens.

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  1. Comment perçois-tu tes prochaines années dans le ministère ? Quel est le ou quels sont les projets qui te tiennent à cœur ?

Nous devions quitter Paris, faire le premier pas, sans savoir où nous irionsDepuis juin de l’année dernière, nous sommes rentrés avec Ester dans un temps particulier, celui d’une transition. A travers différentes paroles inspirées et pensées fortes, nous avons acquis la conviction que notre temps et notre mission sont achevés sur Paris. Quand nous avons commencé à parler de cela, ce fut un choc pour nous. Jamais nous n’avions sérieusement pensé qu’il pouvait y avoir quelque chose après Paris. Quitter Paris revenait à prendre notre retraite. C’était fini. Notre ministère s’achevait. Bien sûr, ce n’était pas ce que Dieu pensait. Il nous rassura et nous encouragea : il y aurait d’autres choses au-delà de Paris. Il nous communiqua alors ses instructions : nous devions quitter Paris, faire le premier pas, sans savoir où nous irions. C’est ce que nous avons fait. Au mois de janvier dernier, j’avertissais mes collègues, le Conseil de l’église et l’église elle-même de notre départ pour cet été. Dans les semaines qui suivirent, notre succession s’organisait. Aujourd’hui, nous sommes toujours dans l’attente de la direction divine. En paix, car notre succession est assurée à Paris, en paix, car Dieu conduit toute chose et en son temps, il nous montrera où nous devons aller et dans quoi nous devrons nous investir. Notre avenir est donc en « stand-by » pour l’instant, mais il repose entre les mains de Dieu.

  1. Selon toi, de quoi nos églises ont-elles le plus besoin aujourd’hui ?

Nous avons besoin de pères dans nos églises et nos mouvements. Nous avons beaucoup de maîtres qui veulent diriger, nous avons beaucoup d’amis « fâcheux » à la manière des amis de Job, mais nous avons très peu d’Elihu et encore moins d’Abraham, de Barnabas ou de Pierre. L’homme de Dieu qui me marque le plus en cela est le Ps Carter Conlon de l’Eglise Time Square de New York. Il est véritablement un père, un modèle, un rocher solide dans son église et pour tous les gens, jeunes et moins jeunes sur qui il veille. Son influence se répand dans tout New York, et bien au-delà. C’est un homme de prière, qui prend le recul nécessaire par rapport à la frénésie de la ville dans laquelle il sert. C’est un homme de la Parole qui ne cesse jamais de prêcher Jésus. C’est un homme qui ne cherche pas son intérêt. Ainsi, au lieu d’implanter de nouvelles églises dans une ville qui en compte déjà beaucoup, il préfère travailler à leur revitalisation à travers un mouvement de prière qui se répand de plus en plus. Il est pour moi l’exemple même d’un père, un homme, un ministère dont nous avons tant besoin.

« Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Evangile. »
1 Corinthiens 4.15

Merci Franck d’avoir pris le temps de répondre aux questions de la rédaction. Que le Seigneur vous guide sur le chemin qu’il a tracé d’avance pour votre ministère et votre famille.

La rédaction

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Guillaume Anjou
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