Des pasteurs évangéliques pro-metal soutiennent le Hellfest

C’est presque devenu un marronnier. Chaque année, le Hellfest fait l’objet de toutes sortes de critiques, de menaces et de mises en garde par des groupes chrétiens ou identitaires s’estimant visés par la musique metal jugée dépravée et violente, voire diabolique. Christine Boutin et Philippe de Villiers font partie de ses adversaires les plus emblématiques.

Mais pour cette édition, les protestations ont franchi un cap supplémentaire. Le 3 mai, le site de l’imposant festival, à Clisson en Loire-Atlantique, a subi d’importantes dégradations : des arbres ont été arrachés, des gaines d’accueil électriques ont été bouchées, des canalisations d’eau sectionnées, des décorations monumentales incendiées dont un grand corbeau. Si ce vandalisme n’a pas été revendiqué, les auteurs semblent avoir des motivations religieuses, à en croire les nombreuses inscriptions comme « Vade retro Satan » et « Saint-Michel sauve-nous ».

Le site est désormais surveillé jour et nuit par un dispositif sécurité pour que festival puisse démarrer comme prévu le 19 juin. Les organisateurs ont pris soin de demander à « ne pas véhiculer de messages ou d’actes de violence face aux communautés catholiques » et « qu’il serait injuste d’associer ces actes à l’ensemble des membres de la communauté catholique ».

Une musique de convictions fortes

Côté chrétien, la réaction de solidarité est venue d’un groupe de pasteurs évangéliques. A commencer par Jonathan Hanley, qui est également journaliste-écrivain et … fan de metal. Choqué, il a contacté une dizaine d’autres pasteurs et personnalités issues du monde protestant évangélique dont Jean-Luc Gadreau, Etienne Blasiak et Pierre de Mareuil. Ils ont signé un bref texte de soutien aux organisateurs de Hellfest, communiqué via Facebook.

Au nom de « l’ouverture » contre « l’obscurantisme », ils disent leur « aversion pour les gestes des personnes qui ont choisi de détruire » (…) au nom d’une soi-disant conviction religieuse. » Et de faire cette précision : « Bien que les chrétiens amateurs de metal soient majoritairement protestants, nous nous savons soutenus par de nombreux amis catholiques qui partagent notre colère devant ces dégradations. »

En effet, le metal a beau avoir une réputation diabolique, il attire aussi nombre de chrétiens, particulièrement des évangéliques, y compris chez les artistes, comme par exemple les groupes Stryper et Mortification. A en croire Jonathan Hanley, ce phénomène s’explique par le fait que « le metal est une musique de convictions fortes, exactement comme les évangéliques ».

Parmi les noms d’affiche « chrétiens » au Hellfest cette année, comme le rappelle le pasteur, on peut citer le guitariste et le bassiste du grand groupe Korn, ainsi que Vincent Furnier, plus connu sous son nom d’artiste Alice Cooper. Alors que, côté sataniste, il n’y aurait pas foule : « Je ne suis pas sûr qu’il n’y ait un seul cette année », nous dit Hanley, qui travaille actuellement sur un livre-entretien impliquant des artistes metal chrétiens et non. « A vrai dire, je ne connais pas de vrais satanistes parmi les musiciens. Aucun ne fait l’apologie de la violence, mais ils la condamnent. Quelques-uns se disent païens pratiquants, comme l’artiste Gaahl du groupe black metal norvégien God Seed. Par contre, il est vrai qu’un certain nombre d’artistes sont opposés à la religion institutionnalisée. On voit aussi parmi les festivaliers à Clisson des t-shirts avec des messages anti-chrétiens. Mais il n’y a jamais eu, en dix ans d’existence, le moindre incident. »

Quant au caractère violent et agressif de cette musique et des textes parfois antichrétiens véhiculés par des groupes comme Motörhead, Judas Priest, Marilyn Manson, tous au rendez-vous cet été à Clisson, le pasteur admet ne pas être particulièrement gêné. « Dieu n’a pas besoin de moi pour se défendre si les gens ont envie de le blasphémer. Le guitariste de Korn, Brian Head Welch, m’a dit une fois que le blasphème est le fait des aveugles, qui peuvent être en colère contre Dieu (lire son interview). En tout cas, je n’ai pas besoin que les gens autour de moi soient d’accord avec moi pour être bien dans ma foi. »