Des pasteurs pourront bénir les mariages gays

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ne quasi-première dans l’Hexagone : sur la centaine de délégués de l’Église protestante unie de France (EPUdF) réunis hier en synode à Sète (Hérault) et ayant pris part au vote, 94 ont voté pour la possibilité d’une bénédiction des mariages homosexuels et 3, contre. « Ce qui m’a surpris, c’est l’excellente ambiance » lors de la session du vote, marquée par « la confiance et la fraternité », a déclaré à l’AFP le pasteur Laurent Schlumberger, président du conseil national de l’EPUdF, Église qui incarne le courant historique du protestantisme français. « Ce n’est pas une majorité qui a gagné contre une minorité. La décision intègre toutes les positions. »

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Dans un communiqué, l’EPUdF précise qu’il s’agit d’« un pas de plus » pour « accompagner les personnes et les couples », après dix-huit mois de réflexion et de débat, et deux ans après l’adoption de la loi Taubira ouvrant le mariage civil à deux personnes de même sexe.

D’importantes communions protestantes d’Europe (Espagne, Italie…) et d’Amérique du Nord ont ouvert cette bénédiction aux couples gays et lesbiens. En France, seule la Mission populaire évangélique (MPEF), beaucoup plus petite que l’EPUdF, autorise actuellement ses pasteurs à participer à un « geste liturgique d’accueil et de prière » pour les homosexuels, une pratique qui reste marginale. Le mariage ne constitue pas un sacrement pour les protestants, mais les couples hétérosexuels unis en mairie peuvent être bénis au temple.

« Le synode est soucieux à la fois de permettre que les couples de même sexe se sentent accueillis tels qu’ils sont et de respecter les points de vue divers qui traversent l’Église protestante unie », a indiqué l’EPUdF. « Une telle bénédiction est bien une possibilité ouverte, elle n’est ni un droit ni une obligation. En particulier, elle ne s’impose à aucune paroisse », a-t-elle pris soin de préciser, ajoutant que « les débats qui concernent les couples de même sexe sont souvent passionnés et exclusifs ».

Loin de faire consensus

Au sein même de l’Église protestante unie, née en 2012 de la fusion des Églises luthériennes et réformées, le sujet est loin de faire consensus, même si le mariage gay n’y subit pas le net rejet constaté parmi les responsables catholiques et dans les mouvements évangéliques. En juin 2014, l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal), présente sur le territoire alsacien-mosellan, avait sursis à statuer et s’était donné « un délai de trois ans avant d’envisager de reprendre cette question en assemblée ».

Avant le synode, le pasteur Gilles Boucomont, vif opposant au projet, s’était inquiété de ce que « pour la première fois en France depuis 1517 » (date de la Réforme entreprise par Martin Luther), « une décision synodale majeure puisse être prise contre tous les textes bibliques ». Avec une cinquantaine d’autres pasteurs et une centaine de conseillers presbytéraux (locaux), il avait d’ailleurs signé un « appel » invitant les délégués du synode à ne pas statuer « dans la hâte de répondre à la pression de la société et l’évolution de ses mœurs », et disait craindre « de profondes déchirures ».

« Symbolique »

Pour sa part, le président de SOS Homophobie, Yohann Roszéwitch, « très heureux de ce vote à la quasi-unanimité », a souligné la « symbolique » de ce geste intervenu dimanche, journée internationale de lutte contre l’homophobie. Le vote lui paraît « primordial dans un contexte actuel de hausse de l’homophobie, entretenue parfois par les Églises ». En 2014, l’association a recueilli 2 197 témoignages faisant état d’actes homophobes.

Le synode de l’EPUdF, qui revendique 110 000 membres actifs parmi 400 000 personnes faisant appel à ses services, était réuni depuis jeudi autour du thème « Bénir, témoins de l’Évangile dans l’accompagnement des personnes et des couples ». Tout en se défendant d’être en concurrence avec une mouvance évangélique en forte croissance, l’EPUdF parie désormais sur une démarche missionnaire pour « passer d’une Église de membres à une Église de témoins ».

L’EPUdF accueille un nouveau pasteur chaque mois, ce qui, compte tenu des départs à la retraite, lui permet de stabiliser leur nombre. Un tiers d’entre eux, et même 45 % des nouveaux pasteurs, sont des femmes.