Deux pasteurs dans la tourmente : Denis Lessie – Jean-Baptiste …

L’amour de l’argent est vraiment la nature de tous les maux. Le feuilleton Jean-Baptiste Ntahwa-Denis Lessie est loin d’avoir cessé de défrayer la chronique en RDC, particulièrement à Kinshasa, vu la popularité dont jouissent les deux hommes, mais surtout la hauteur de l’escroquerie, en amont comme en aval.

Pour rappel, Monsieur Denis Lessie, pasteur, prophète des Nations (lesquelles ?), rendu célèbre par ses émissions dans sa chaîne de télé (dont l’origine serait également problématique), émissions au cours desquelles il distribuait des bénédictions à profusion, criait guérir des maladies en demandant aux éventuels malades de toucher l’écran de leur téléviseur, Denis Lessie donc, est allé escroquer son ” frère dans la foi “, Jean-Baptiste Ntahwa, pasteur comme lui, et évêque. S’étant présenté comme conseiller spirituel du Chef de l’Etat, Lessie avait fait miroiter à Ntahwa la possibilité de le faire nommer ministre à l’occasion d’un très prochain remaniement. Des véhicules haut de gamme et une forte somme d’argent (certains parlent de 100.000$) étaient en jeu.

L’affaire étant déjà entre les mains de la Justice, nous la laissons faire son travail. Cependant, cette ténébreuse affaire suscite plusieurs questions, et pas des moindres. Car voilà le genre d’autorités que nous avons, et qui tiennent mordicus à être appelés Excellences ! Le peuple congolais, effaré, a le souffle coupé, la gorge sèche, et se demande si c’est comme cela qu’on devient donc ministre. Car Ntahwa est un ancien ministre qui vient à peine (il y a juste un peu plus d’une année) de quitter le gouvernement de la République. C’est donc comme cela qu’il était devenu ministre ? se demande l’opinion. Etre ministre est-il une profession pour que Ntahwa tienne absolument à le redevenir ? N’y a-t-il donc que lui pour occuper une fonction ministérielle?

Dans son autre vie, Ntahwa est pasteur ou bishop, responsable d’une Eglise. Quelle image donne-t-il à ses fidèles ?  N’est-ce pas que tous les pasteurs affirment, et ils ont pleinement raison, qu’être ministre de Dieu est de loin supérieur à un ministre politique ? Cela ne serait-il pas vrai pour Ntahwa ?

Nous ne sommes pas de la justice et nous faisons totalement confiance à celle-ci pour qu’elle joue le rôle qui est le sien. Cependant, nous savons que dans le cas de corruption, le corrupteur et le corrompu doivent tous les deux répondre de leurs actes. En tout cas, la justice doit faire en sorte que des aventuriers qui prennent l’Etat pour un moins que rien qu’ils peuvent manipuler à leur guise soient découragés. Ce genre de choses n’honorent pas le pays. Bien au contraire, ils l’humilient.

Et puis, si Ntahwa a facilement sorti une si forte somme d’argent pour redevenir absolument ministre, l’opinion se demande de plus en plus si on devient ministre pour servir le pays ou, plutôt, pour se servir à satiété dans les caisses de la République. Dans le chef du ministre, il y a circonstances aggravantes, vu que c’est l’image du pays qui est souillée. Le monde entier risque de croire que c’est comme cela qu’on devient ministre en RDC. Et puis, si la manigance avait réussi, quel aurait été le premier objectif du ministre ? N’est-ce pas de rembourser dans ses caisses personnelles tout l’argent dépensé pour y arriver ? Voilà comment le pays est géré.

Et puis, tous ces pasteurs des temps modernes qui tiennent à tout prix à devenir députés ou ministres étonnent quelque part, même s’ils en ont le droit, et poussent les perspicaces à se poser quelques questions. Un vrai pasteur, en effet, a très peu de temps à lui. C’est pourquoi on parle d’apostolat. Outre la préparation quotidienne des enseignements, le pasteur prépare et anime des séminaires de formation de toutes sortes, sans parler des invitations qu’il reçoit de ses pairs. Mais il y a plus. Car le pasteur est soumis quotidiennement à d’incessantes sollicitations des fidèles. Ce sont des conjoints qui ont des problèmes de couple, des malades qui tiennent absolument à se voir imposer les mains avant d’aller à l’hôpital, des gens qui croient mordicus qu’il faut la bénédiction du pasteur pour trouver de l’emploi ou un mari (pas possible !), ou qui croient naïvement que la main du pasteur posée sur sa tête peut influer sur l’obtention d’un visa Schengen. De telles naïvetés, on ne les trouve que dans les églises de réveil.

Les solliciteurs, surtout les malades, n’ayant pas de temps fixes, les pasteurs s’attendent donc à être réveillés même aux premières heures de la matinée. Lorsqu’ils tiennent à devenir ministres ou députés, quel temps ont-ils encore à consacrer à leurs brebis ? L’Eglise ne serait-elle pour certains qu’un tremplin ?

La pauvreté ayant conduit plusieurs de nos compatriotes à la naïveté, l’Eglise l’Arche de Noé de Dénis Lessie ne mourra pas, comme du reste celle de Ntahwa. A sa sortie de prison, il sera porté en triomphe comme le fut il y a quelques années un musicien, accusé de viol, qui sortait de prison après avoir été gracié. Et les fidèles afflueront encore chez le prophète des Nations.

Ils ont le droit de continuer à se laisser berner. Mais la République, elle, doit être protégée de ce genre d’escrocs qui n’hésitent pas à salir la famille présidentielle, et de ces corrupteurs prêts à tout pour devenir Excellences. Ce n’est pas cela, l’excellence.

Jean-Claude Ntuala

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