Martigues : des évangélistes en garde à vue, le commissariat assiégé

Les pasteurs ont notamment dû s’expliquer sur une altercation avec des policiers

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Photo Stéphane Rossi

Hier, une demi-compagnie de sécurisation et d’intervention a été postée devant le commissariat. Ce qui a sans doute évité que le conflit ne dégénère.

La tension n’était toujours pas retombée, hier, entre les membres de la communauté gitane évangéliste et les policiers (La Provence d’hier).

Au contraire, elle est même allée crescendo en fin d’après-midi, après le placement en garde à vue de deux pasteurs du campement et l’envahissement du commissariat par une cinquantaine de gitans issus de ce campement itinérant de 200 personnes, et dont les 70 caravanes ont élu domicile sur les pelouses publiques des Jardins de la Rode, à Ferrières.

Certains témoignages de victimes apeurées évoquent “des scènes d’émeutes” alors qu’elles venaient déposer une plainte au commissariat. Vers 16h30, ces mêmes victimes ont été obligées “de sortir par des portes dérobées“.

Plusieurs belligérants, venus faire pression sur les pouvoirs publics, “étaient armés de tasers et de lance-pierres“, information qui ne nous a pas été confirmée. Fort heureusement, une demi-compagnie de sécurisation et d’intervention (la CSI) de Marseille, soit une quinzaine de policiers spécialisés dans ce type d’interventions, avait été positionnée devant le commissariat.

Les brigades anticriminalité avaient également été mobilisées, de même que les effectifs du commissariat. La situation est restée très chaude jusqu’à ce que l’un des pasteurs intervienne enfin pour apaiser les esprits.

Altercations

Ce pasteur, et ses deux collègues, ont eu à s’expliquer, hier, sur l’altercation qui les a opposés à plusieurs jeunes femmes policières. “Chez les gitans, la femme ne parle pas à un homme, nous a expliqué un des membres de la communauté. La femme s’occupe de la vie du ménage et des enfants, c’est tout.”

Ce point de vue aurait d’ailleurs été signifié à l’une des policières qui intervenait sur place. Selon certains éléments, elle aurait été insultée. Ce que démentent les membres de la communauté, accusant les policières d’avoir agi en premier. Les quatre agents féminins, qui sont intervenus dimanche, se sont toutefois vu notifier des arrêts de travail.

Concernant les altercations, les scènes ont été filmées par les évangélistes, tout comme ont été filmées et postées les scènes de l’assaut contre le commissariat hier.

Ils devraient partir dimanche

En fin d’après-midi, les pasteurs ont été libérés de façon à apaiser les esprits et faire retomber la tension. Un troisième homme, qui aurait menacé et outragé le commissaire Griseti, a également été relâché à l’issue de sa garde à vue mais des poursuites seront intentées à son encontre.

Dans le même temps, le préfet devait prendre un arrêté permettant l’expulsion des évangélistes et les mesures qui vont avec, à savoir une mobilisation importante des forces de police. A moins que, d’ici là, les gitans ne soient partis.

Hier soir, en tout cas, les caravanes restaient en place sur les pelouses du jardin de la Rode. Toutes étaient équipées de branchements pirates en eau et en électricité. Les évangélistes entendaient occuper les terrains municipaux jusqu’à dimanche prochain. Comme ils nous l’avaient annoncé avant-hier.


La commune de Martigues est l’une des seules du département à être en règle en matière d’accueil des gens du voyage. Ce qui implique que, légalement, elle peut prétendre à ce qu’un arrêté préfectoral exige que cette communauté quitte les lieux.

Hier soir, Simon Babre, le sous-préfet de l’arrondissement d’Istres, nous confirmait “qu’il s’agit d’une procédure lourde qui nécessite des pièces sur lesquelles on travaille“. Aucun calendrier d’expulsion ne peut être fixé.

Toutefois, si un tel arrêté était pris, il serait signifié immédiatement à la communauté, qui aurait alors 24 heures pour quitter les lieux occupés.

L’an passé, cet arrêté a été pris à trois reprises“, poursuit le sous-préfet. Dont une fois à Martigues, lorsque des gens du voyage ont investi les terrains de Sainte Croix notamment. Ils avaient quitté le site, avant le délai légal.

Face à face tendu entre gitans évangélistes et policiers

Hier, 200 évangélistes ont envahi les pelouses du jardin de la Rode dans une ambiance lourde

Vous aimez les scoops ? Venez voir les pelouses de la Rode. Elles sont envahies par les gitans !” Hier, en fin d’après-midi, plusieurs lecteurs de La Provence ont appelé la rédaction. Juste avant qu’un concert de deux-tons ne déchire la quiétude martégale. En gage de scoop, il ne s’agissait, pourtant que d’un “banal” rassemblement de gitans évangélistes venus faire une étape à Martigues, Gignac et Vitrolles sur leur long chemin de pèlerinage annuel.

Sur place, le face-à-face a été très tendu entre la communauté composée de près de 200 personnes et les policiers. Des dizaines de policiers en tenue, issus de tout le pourtour de l’étang de Berre, des équipages de la brigade anticriminalité mais aussi les motards et des maîtres-chiens ont été appelés sur le dispositif. La situation a d’abord été explosive lorsque, au cours d’une tentative de pourparlers, des coups ont fusé. Vidéos à l’appui, les gitans accusent les policiers d’avoir frappé un pasteur. Alors, face aux gilets pare-balles, les jeunes de la communauté, bombent leurs torses nus, fièrement.

Ces évangélistes, qui appartiennent au plus grand mouvement évangéliste mondial, l’association Vie et Lumière, se défendent pourtant d’être violents. “Notre communauté vient en mission pour porter la parole de la Bible, annonce même Mickaël Debord, l’un des 10 pasteurs (dont 4 stagiaires) du groupe. Mais à chaque fois, c’est la même chose. Les communes n’ont pas d’aires pour nous accueillir. Or, ces aires sont obligatoires !

Autour du pasteur, les visages sont tantôt tendus, tantôt souriants. Les enfants, eux, profitent de leur halte temporaire pour se baigner dans l’étang. “On a rentré la majorité des caravanes sur le terrain. Il en reste une dizaine. Qu’on les laisse accéder et puis après, c’est fini“, expose sans aménité Will, autre membre de cette communauté. Les barrages policiers les empêcheront d’accéder au jardin de la Rode. Mais les rues de Ferrières sont complètement congestionnées. Les riverains se succèdent les uns après les autres, inquiets. “Pourtant, nous ne sommes pas des voleurs, nous sommes Chrétiens, annonce un autre membre. Et regardez, nos caravanes sont propres, on, ramasse nos déchets. Nous sommes juste de passage, qu’on nous laisse une chance ..

Refus

Le député-maire Gaby Charroux s’est rendu sur place pour parlementer avec les pasteurs. En gage de bonne volonté, il a emmené les représentants de la communauté visiter deux terrains sur lesquels stationner les caravanes. “On a proposé plusieurs solutions. Ils les ont refusées parce qu’ils veulent reste ici, sur les pelouses, regrette-t-il. Ce qui me chagrine, c’est que Martigues est une des seules villes du département à être dans les règles en matière d’accueil de gens du voyage et l’on pâtit de l’incurie des autres communes.

Les gitans, qui étaient venus repérer les lieux une semaine auparavant, n’en démordaient pas. “Nous ne bougerons pas. Nous avons prévu de rester huit jours et c’est seulement à l’issue de notre mission que nous partirons.

D’ici demain, les évangélistes devraient donc dresser de grandes tentes dans lequel ils discuteront de passages de la Bible avec tous ceux qui le souhaitent. Et prôner la paix et l’amour de son prochain.


Recours à la force publique ?

Hier soir, le sous-préfet de l’arrondissement d’Istres Simon Babre a annoncé à Gaby Charroux son intention de déposer, ce matin même, un référé afin d’envisager l’expulsion des évangélistes. Dans ce cas, le recours à la force publique pourrait être demandé.