À Évreux, les évangélistes ont le vent en poupe

Samedi rue Georges-Bernard, dans la nouvelle salle de culte (600 m²) de l’église évangélique d’Évreux, ça ne sentait pas l’encens mais pourtant la ferveur religieuse y était ! En témoigne une salle comble, avec une formation de musiciens, un chœur gospel, des moyens audio et vidéo qui feraient pâlir bien des associations et dans un coin de la salle, une garderie pour les enfants afin que leurs cris et jeux ne perturbent pas les cérémonies.

L’ambiance lumineuse de la salle est d’un bleu très clair, extrêmement dépouillée. Aucun tableaux ni statues ni autres dorures tranchant nettement avec l’atmosphère des églises catholiques. Seule une croix chrétienne, stylisée et discrète, visible sur le pupitre où prêchent les pasteurs indique la nature cultuelle du lieu.

Les deux églises fusionnent

« La rénovation et l’extension de la salle de culte a été entièrement financée par les dons des fidèles. Nous n’avons demandé aucune subvention, déclarent d’une seule voix les deux pasteurs de l’église protestante évangélique, Jean-Pierre Perrin et Joël Dieu. Elle a été en partie rénovée grâce au bénévolat de fidèles. » Son inauguration, samedi, scelle un autre événement majeur dans l’histoire du culte évangélique à Évreux : « Cette salle, qui peut désormais accueillir 500 personnes contre 300 auparavant, symbolise la réunion des deux églises évangélistes d’Évreux », explique Jean-Pierre Pellerin. Les deux églises, distantes de 300 m (l’une était installée rue Georges-Bernard et l’autre rue du Maréchal-Joffre) ont fusionné, après un rapprochement opéré à partir de 2008. « Cette fusion a donné lieu à un vote et les fidèles des deux églises réunis en assemblée générale, ont souhaité cette fusion à 90 %. » La pratique cultuelle y est identique : « L’origine de l’église évangélique à Évreux remonte officiellement à 1962 mais on trouve un premier lieu de culte évangélique dès les années 30. Il était situé du Jean-Jaurès », précise un pasteur. Le lieu de culte n’a pas survécu aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale.

« Une foi simple »

« Le nombre de nos fidèles est en croissance régulière », assurent les pasteurs, salariés à plein-temps par leur église et vivant des dons des fidèles. Des fidèles de tous âges et de toutes catégories sociales. « Nous sommes aussi une église multiculturelle aussi » où la population d’origine africaine est bien représentée.

Mais pourquoi l’église évangélique attire-t-elle alors que dans les églises catholiques, les rangs de fidèles continuent de s’éclaircir ? : « Je crois qu’ici les fidèles viennent chercher une foi simple », explique Joël Dieu. Le rituel est singulièrement allégé par rapport à la liturgie catholique : « On aime à se retrouver dans la maison de Dieu chaque semaine, ce n’est pas une corvée », ajoute le pasteur Perrin. Une foi simple mais discrète aussi. Qui sait à Évreux que l’église évangélique rassemble des centaines de fidèles chaque dimanche à la messe ? Qu’elle donne des cours de catéchisme pour les 4-15 ans ? Qu’elle propose d’étudier la Bible et dispense de l’aide sociale (et pas uniquement à ses fidèles) sous forme de colis alimentaires ?

« Notre église n’est pas prosélyte mais elle est ouverte à tous », poursuit le pasteur. L’Église est membre de la Fédération nationale des assemblées de Dieu de France ainsi que du CNEF (Conseil national des Évangéliques de France). « On y entre en toute liberté et on peut aussi en sortir en toute liberté », croit bon d’ajouter son homologue. Les Évangélistes ne veulent pas être confondus avec quel que secte que ce soit.

Richard Mesnildrey

Christiane, David et… Guy

« Mes parents étaient très pieux et j’ai été élevé chez les sœurs », explique Christiane Murcia, issue d’une famille de 12 enfants, retraitée de la Ville d’Évreux.

Cette « Mère Théresa » de Saint-Michel est connue localement pour son engagement en faveur des plus démunis.

Ses origines catholiques très affirmées ne l’empêchent pas de fréquenter l’église évangélique : « Je viens très régulièrement assister à la messe, témoigne-t-elle en restant fidèle aux rites principaux de son église d’origine, « Pâques, Rameaux, Toussaint… Je fréquente les deux églises car pour moi elles ont en commun le même évangile. »

« Tout à fait d’accord, confirme David, Ébroïcien qui à grandi à La Madeleine, lui aussi baptisé catholique. C’est la même chose. » L’ambiance y est tout de même différente estime Christiane : « Ici les prières son plus communicatives. Dans les églises catholiques, non. Ce n’est plus l’église que j’ai connue… »

Guy Lefrand « prédicateur »

Guy Lefrand, maire (LR) d’Évreux a été invité à prendre la parole, lors de l’inauguration. Même s’il anticipait déjà le procès que ne manqueront pas de lui faire les tenants d’une laïcité stricte, l’édile s’est longuement exprimé : « C’est toujours difficile pour un maire de prendre la parole dans un lieu de culte, a déclaré Guy Lefrand, évoquant la loi de séparation de l’Église et de l’État. Mais la laïcité, je l’ai déjà dit ce n’est pas l’athéisme. » Avant d’ajouter que si les espaces religieux et publics étaient séparés, « un respect réciproque doit inspirer religion et République. » Le maire a évoqué ensuite sa pratique personnelle et sa conviction que la vie « a trois piliers, la santé, l’éducation et la spiritualité ». L’élu a aussi invité les Évangéliques à prier pour les chrétiens d’Orient, croyants « les plus persécutés actuellement ».

« Vous feriez un très bon prédicateur », a commenté spontanément le pasteur Jean-Pierre Perrin. Le maire se serait peut-être passé d’un tel hommage !