Meapasculpa: pasteur Fatzer, protestantissime

Isabelle Falconnier

Je ne crois pas en Dieu et ne fréquente aucune église, mais lorsqu’on me demande de mettre une croix indiquant une éventuelle religion sur un formulaire, je n’hésite jamais: je coche «protestante».

J’ai fait ma confirmation, à 16 ans, en développant sur 3 pages l’idée que l’important n’est pas de croire ou pas mais de se poser philosophiquement la question de l’existence de Dieu – pour une entrée dans la communauté des croyants, on peut rêver plus engagé. «Protester», «réformer»: ces deux mots ont constitué la colonne vertébrale de mon éducation personnelle. Ils sont la promesse d’une sorte de Mai 68 intellectuel permanent: remettre en question, pratiquer le «oui, mais» à outrance, refuser les évidences, le politiquement correct, débattre, encore et toujours.

C’est grâce à ces deux mots que je coche encore la case «protestante» sur les formulaires. Ils sont un argument de vente incomparable et unique sur le marché de la pensée et des religions aujourd’hui. Si le protestantisme n’a pas encore été rayé de la carte, c’est grâce à ces deux mots.

Dans quelle Eglise un de ses pasteurs peut-il publier un livre intitulé Croire en un Dieu qui n’existe pas. Manifeste d’un pasteur athée, comme l’a fait le Néerlandais Klaas Hendrikse, livre devenu véritable best-seller en Europe, et continuer à faire le culte dans son église comme si de rien n’était?

Cher Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise, si vous voulez que je continue à verser ma modeste obole annuelle, il va falloir laisser Fatzer la jouer à sa manière. Le protestant qui proteste, folklore ou pas, on le veut, il nous plaît, c’est pour lui qu’on se dit protestant. Si c’est pour ressembler à ces moutons de catholiques qui obéissent tous au même chef dorloté dans son palais romain, ce n’était pas la peine de faire la révolution. Si c’est pour exiger le respect de la hiérarchie, des règlements, des conventions, des protocoles, de la politesse et de la bienséance, ce n’était pas la peine de se faire égorger à la Saint-Barthélemy.

Contrairement à ce que vous pensez, tout ce ramdam est bon pour votre image et ne nuit pas à votre institution – pour autant que, à la fin, vous vous montriez plus protestant qu’un protestant. C’est-à-dire que, à la fin, il faudra laisser le trublion trublionner. Je dirais même que c’est la seule chance de survie de l’Eglise protestante. Daniel Fatzer a enfreint des règles? Il est narcissique, doté d’un ego surdimensionné? Il joue les martyrs avec sa grève de la faim, les justiciers, les redresseurs de torts? C’est un provocateur récidiviste?

Et alors? Cher Conseil synodal, c’est ce qu’on attend d’un protestant. C’est ennuyeux lorsqu’on est son employeur. Mais à force de vouloir asseoir sa crédibilité, on en perd son attractivité. Ce serait dommage.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

Béatrice Métraux priée de jouer les bons offices

Appel entendu. L’autorité exécutive de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) a fait appel à Béatrice Métraux pour jouer les bons offices dans l’affaire des pasteurs licenciés.

La semaine dernière, la conseillère d’Etat se disait «à disposition pour reprendre une médiation» (lire ici). Le Conseil synodal, sur proposition de sa cellule de crise, a décidé lundi de saisir cette perche. La conseillère d’Etat avait déjà tenté une conciliation il y a quinze jours, juste avant le licenciement de Daniel Fatzer, qui a entraîné la grève de la faim de ce dernier à l’église Saint-Laurent.

«Nous allons nous mettre au­tour de la table pour chercher des solutions»

«Nous allons nous mettre au­tour de la table pour chercher des solutions», déclare Xavier Paillard, président du Conseil synodal. Et de préciser que ces discussions ne visent pas à réintégrer le pasteur Daniel Fatzer en tant que ministre de l’EERV. Et pour les autres pasteurs? «En principe, le but n’est pas de les réengager, indique Xavier Paillard. Mais, si l’on veut donner une chance à cette médiation, évitons de poser des conditions publiques. Un minimum de confidentialité est indispensable.»

L’heure semble être à la conciliation, comme le confirme l’association R & R (Résistance & Réconciliation au sein de l’EERV). S’exprimant au nom des ministres licenciés Daniel Fatzer, Daniel Nagy (2014), Natasha de Félice (2014) et Bertrand de Félice (2015), R & R salue les efforts entrepris par le Synode pour améliorer sa gestion des ressources humaines. Les ministres licenciés en appellent à «l’apaisement des conflits» et proposent au Conseil synodal des «solutions amiables à l’interne». Ils voudraient «éviter que ces conflits soient réglés par les tribunaux, et ainsi contribuer activement à mettre fin à la crise».

Bonnes intentions

Le Mouvement citoyen Saint-Laurent-Eglise, qui demandait dimanche la «mise en place d’une médiation externe», prend acte de ces bonnes intentions de part et d’autre. «Nous sommes heureux si une médiation peut se mettre en place, réagit Vincent Léchaire. Même si, dans l’absolu, nous aurions préféré une instance indépendante de l’Eglise et du pouvoir politique.»

Pendant ce temps-là, Daniel Fatzer poursuit sa grève de la faim à Saint-Laurent. Après quinze jours de jeûne, le pasteur licencié continue de dialoguer avec des visiteurs venus le soutenir. «J’espère qu’on trouvera des solutions, dit-il, en premier lieu pour mes collègues.» (24 heures)

(Créé: 29.06.2016, 08h30)

Deux figures parisiennes du protestantisme quittent leurs paroisses

Les pasteurs Gilles Boucomont et James Woody ont officialisé, dimanche 26 juin, leur départ des paroisses parisiennes où ils officiaient depuis plusieurs années.

Tous les deux sont des figures du protestantisme à Paris, appartenant chacun à deux sensibilités différentes de l’Église protestante unie de France (Epudf).

Gilles Boucomont

Né en 1972, le pasteur Gilles Boucomont, originaire de Bourgogne, est en poste depuis 12 ans au temple du Marais, à Paris. Il fut notamment pasteur en Afrique de l’Est, puis à l’Église réformée de Rouen. Il a étudié la théologie, ainsi que les sciences politiques. Il fut également aumônier d’hôpital.

> À lire. L’étonnant succès du temple du Marais

Auteur d’un livre en deux tomes aux Éditions Première partie (Au nom de Jésus : libérer le corps, l’âme et l’esprit, 2010 et 2011), il a gagné une certaine notoriété grâce à son activité sur Twitter. Il est l’un des initiateurs du courant des « Attestants », rassemblant des opposants à la possibilité, ouverte en 2015 par l’Epduf, de bénir des couples homosexuels. Le pasteur Boucomont quitte Paris pour une année sabbatique dans la Nièvre.

James Woody

Également très présent sur les réseaux sociaux, le pasteur James Woody officie depuis 2009 au Temple de l’oratoire, haut lieu du protestantisme libéral à Paris.

> À lire. L’Oratoire du Louvre, navire amiral du protestantisme libéral

Également né en 1972, James Woody a étudié la théologie à Paris, Strasbourg, Montpellier et Jérusalem. Il a notamment été pasteur à Marseille, où il s’est illustré dans le dialogue interreligieux, à travers le travail de Marseille-Espérance, qui réunit les responsables des différents cultes de la cité phocéenne.

Depuis son arrivée à Paris, il préside Évangile et Liberté, qui incarne le courant libéral au sein de l’Église protestante unie de France, et dirige le journal éponyme. Il quitte Paris pour une paroisse de Montpellier.

Loup Besmond de Senneville

Xavier Paillard, un président en pleine tempête

Xavier Paillard dort bien, il nous remercie. Pourtant, depuis dix jours, le président du conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) doit gérer une crise médiatique sans précédent, générée par un pasteur protestant contre son licenciement par une grève de la faim, et occupant l’église lausannoise de St-Laurent.

Le renvoi du pasteur Fatzer, après qu’il ait nommément cité un collègue licencié par l’Eglise lors d’un culte radiodiffusé le 12 juin, a fait l’objet de nombreuses critiques visant le ton cassant et l’autoritarisme du président. «Cela me touche, et c’est normal», admet Xavier Paillard. «Je concède que j’ai un franc parler, que j’ose dire ce que d’autres hésiteraient à formuler. Ma manière d’oser affronter l’adversité peut être perçue comme de l’entêtement mais cela traduit mal mon caractère». Son collègue Jean-Michel Sordet, membre du conseil synodal, le défend. «Xavier Paillard est un homme qui a du leadership et qui défend fermement son morceau. Il est décidé, parfois persévérant et zélé, mais il n’est pas autoritaire».

La confiance en valeur suprême

L’homme de 54 ans, père divorcé de trois enfants, place la confiance en haut de ses valeurs. Celle-là même qu’il donne à Daniel Fatzer et Jean Chollet en 2011, lorsqu’il décide, avec le conseil synodal, de leur confier l’Eglise St-Laurent. «Leur projet proposait des expérimentations novatrices de nouvelles formes d’Eglise. Cette créativité nous a séduits. Dans une institution reconnue, le rôle de provocateur peut être bon car nous avons besoin de têtes qui dépassent. Mais il faut éviter que la provocation ne devienne une écharde ou un obstacle pour les collègues». 

Les pasteurs trublions se spécialisent en coups d’éclat. Un jour, une carcasse de voiture est déposée sur les marches de l’édifice, en référence aux cabossés de la vie. Un autre, une braderie de cercueils est simulée par les deux hommes sur ce même escalier. Mais rapidement, l’attitude des deux hommes a consisté à «rabaisser et critiquer les autres églises lausannoises», selon Xavier Paillard. «Une provocation au service d’un ego personnel plutôt que de l’Eglise, plus perturbatrice que motivante. Ca a été l’objet de nombreuses vexations et colères de la part d’autres pasteurs». 

Aujourd’hui cette confiance est rompue, Xavier Paillard le regrette, et il n’y aura aucune forme de réintégration possible de Daniel Fatzer au sein de l’EERV. «Les choses ont assez duré. Il y a eu assez d’avertissements». 

S’asseoir à une table de négociations

Allongé dans son lit depuis dix jours, au sein de l’église St-Laurent, le pasteur Fatzer demande la démission du président du conseil synodal. Jean-Michel Sordet défend encore son collègue. «Daniel Fatzer et Xavier Paillard, ce ne sont pas deux égos qui s’affrontent, mais un égo contre une décision collégiale. Une décision de renvoi qui a été claire, mettant un terme à un long processus». Lundi, le conseil synodal se réunira. Il faut trouver une solution, rapidement. «Certaines conditions peuvent être négociées», admet Xavier Paillard. «Mais cela nécessite la volonté de sa part de s’asseoir à une table de négociations. Or pour l’instant, je ne vois pas dans son attitude ce qui pourrait rétablir le lien et la confiance». Le groupe de soutien de St-Laurent église demande la mise en place d’une médiation externe à l’EERV et une instance de recours externe.

Quotidiennement, une cellule de crise suit les rebondissements de l’affaire Fatzer. Elle comprend cinq personnes, dont Xavier Paillard qui a suivi des cours de gestion managériale. Il fait également partie d’une équipe de soutien d’urgence qui accompagne les gendarmes lors d’annonces de décès aux familles. Comment faire part de sa foi, lorsque l’on est confronté à «l’innommable de la mort, qui plus est lorsqu’elle est accidentelle»? Cela le touche et le mobilise. Xavier Paillard avait douze ans lorsque l’une de ses deux sœurs aînées meurt en montagne. Il est en Faculté de théologie à l’Université de Lausanne lorsque sa petite sœur décède à son tour en montagne elle-aussi. Dans ces moments, à ses côtés, Dieu est un compagnon de route, un allié. 

Xavier Paillard est profondément attaché au Protestantisme. Le prouvent ses années d’études au collège de St-Maurice, où il fait partie des trois seuls protestants parmi plus de mille élèves catholiques. Les valeurs des Réformés qu’il chérit le plus: le sacerdoce universel, la forte collégialité et la liberté de pensée. Ce n’est pas celle-ci qu’il sanctionne aujourd’hui chez Daniel Fatzer, mais des problèmes déontologiques, répète-t-il.

L’Eglise, une entreprise pas tout à fait ordinaire

Bateau géant comptant 245 ministres, l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) ne se pilote pas au petit bonheur la chance. Mise en cause par le pasteur Daniel Fatzer et d’autres ministres licenciés ces derniers mois, sa gestion est professionnelle, à entendre ses responsables. Son Office des ressources humaines (ORH) est constitué d’un responsable épaulé de deux personnes – pasteurs au bénéfice de formations particulières – ainsi que d’un staff administratif de quatre personnes. Le Conseil synodal a annoncé cette semaine l’engagement d’une personne supplémentaire.

Dotation suffisante? «Le nombre de postes convient à la taille du personnel, assure Line Dépraz, membre du Conseil synodal. C’est confirmé par une commission de six spécialistes en ressources humaines (RH) de diverses institutions, qui nous conseillent. La décision d’engager une nouvelle personne a été prise pour soulager le responsable des tâches administratives et lui permettre de se concentrer sur le suivi.»

Dimension théologique et pastorale

Ce service doit-il être assuré par des pasteurs? «Il est important que les RH ne soient pas des gestionnaires purs, explique Xavier Paillard, président du Conseil synodal. La principale différence avec une entreprise ordinaire, c’est qu’il y a une dimension théologique et pastorale qui doit aussi être évaluée.» L’évaluation a été peu à peu renforcée depuis 2007, date de la sortie de la gestion de l’EERV du giron de l’Etat.

L’Eglise a mis en place un cahier des charges, un règlement pour les défraiements, un entretien annuel pour les ministres, des bilans de mandat et des formations continues. Le Conseil synodal parle d’un «suivi de qualité». Xavier Paillard: «Nous assumons des tâches particulières toujours plus spécialisées. Nous travaillons avec des partenaires comme les hôpitaux ou les prisons, qui réclament des formations spécifiques.» Au risque d’écorner la liberté de certains ministres? «La majorité des collègues sont satisfaits des entretiens et du suivi de leur travail, répond Xavier Paillard. Ceux qui se plaignent, quelque part, n’acceptent pas de rendre des comptes à d’autres personnes. L’ancien système, avant 2007, pouvait être agréable mais certaines paroisses ont souffert de cette situation.»

Composer avec la foi

Est-il plus difficile de gérer des pasteurs et diacres que des employés ordinaires? «Il faut composer avec la foi, qui plus est dans une institution qui compte une pluralité de sensibilités théologiques, admet Line Dépraz. Chaque ministre manifeste des convictions dans son travail. Il peut donc être difficile pour certains de dissocier l’appréciation des prestations de celle de la personne.»

Quant aux licenciements, certains estiment qu’ils ne devraient pas exister à l’EERV, tandis que plusieurs délégués du Synode, réuni à Vaulion la semaine dernière, s’inquiétaient au contraire d’une «surprotection» des pasteurs qui dysfonctionnent. Une certitude: l’EERV n’est pas seule à y avoir eu recours. L’Eglise catholique dans le canton de Vaud a aussi été amenée à licencier quelque six personnes en dix ans et «doit parfois prendre des sanctions», indique la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC-VD). Celle-ci a également rénové tout son système RH, qui prévoit des entretiens annuels. Depuis 2013, les prêtres vaudois sont au bénéfice d’un contrat écrit en bonne et due forme. Une entreprise «presque» comme les autres. (24 heures)

(Créé: 25.06.2016, 08h52)

“Nous pouvons vivre notre ministère en toute liberté”

Lausanne le 16 juin 2016. Le pasteur Daniel Fatzer, en grève de la faim, à l'église Saint-Laurent. (Photo: Joël Burri/Protestinfo)

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Lausanne le 16 juin 2016. Le pasteur Daniel Fatzer, en grève de la faim, à l’église Saint-Laurent. (Photo: Joël Burri/Protestinfo)

24.06.2016 par Maurice Page

Une quarantaine de pasteurs, diacres et animateurs laïcs, ministres de l’Eglise évangélique du canton de Vaud (EERV) soulignent dans une lettre ouverte, parue le 24 juin 2016 dans le quotidien 24 heures, leur fidélité aux autorités de leur Eglise. Ils rejettent l’allégation d’autoritarisme envers le conseil Synodal lancé par le pasteur Daniel Fatzer en grève de la faim, dans l’église St-Laurent de Lausanne, pour protester contre les licenciements.

“Nous contestons l’allégation selon laquelle nous sommes contraints de nous soumettre à une seule vision d’Eglise ‘autoritariste’”, écrivent les ministres vaudois. Les signataires se disent “blessés par les nombreuses pages consacrées à la grève de la faim du pasteur Fatzer”. Pour eux, le conflit entre le pasteur et le Conseil synodal n’est pas autre chose qu’un litige entre employé et employeur. “Nous confirmons que nous avons le droit de parole et que nous sommes très divers, fort heureusement. […] Nous affirmons que nous pouvons vivre notre ministère en toute liberté et en dialogue avec le Conseil synodal et les ressources humaines, dans le respect mutuel”, conclut la lettre.

“Où est la dignité de leur ministère ?”

Dans la même page du journal, le pasteur Daniel Freymond, signataire de la lettre collective, prend aussi individuellement vivement à partie son confrère Fatzer: “Ce qui est par contre choquant et déplacé c’est l’attitude de certains collègues qui se mettent en scène de manière pathétique […]en entamant une grève de la faim, tout cela en convoquant les médias avec fracas. Où est la dignité de leur ministère? Que font-ils du respect du travail de leur collègues et des laïcs qui jour après jour ne comptent pas  leurs forces pour construire une Eglise belle et vivante?” (cath.ch-apic/24h/mp)

Le Synode de l'EERV tient au moins deux séances ordinaires par année, ainsi que des séances extraordinaires chaque fois que les dossiers l’exigent (Photo: eerv.ch)

Le Synode de l’EERV tient au moins deux séances ordinaires par année, ainsi que des séances extraordinaires chaque fois que les dossiers l’exigent (Photo: eerv.ch)

Lausanne le 16 juin 2016. Le pasteur Daniel Fatzer, en grève de la faim, à l'église Saint-Laurent. (Photo: Joël Burri/Protestinfo)

Lausanne le 16 juin 2016. Le pasteur Daniel Fatzer, en grève de la faim, à l’église Saint-Laurent. (Photo: Joël Burri/Protestinfo)

Vent de résistance dans l’église

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27.6.2016
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Conflit à l’Eglise vaudoise: Béatrice Métraux prête à intervenir

Comment mettre fin à un conflit qui s’enlise? L’occupation de l’église Saint-Laurent par Daniel Fatzer, en grève de la faim depuis une semaine, agite les esprits. De nombreuses personnes soutiennent le pasteur licencié dans son bras de fer contre l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV).

En face, des croyants et des ministres de l’Eglise jugent que cette affaire a assez duré. En témoigne un courrier signé de 40 ministres de l’EERV, que nous publions aujourd’hui. Les signataires se disent «blessés» par l’importance prise par cette histoire dans les médias. Ils affirment, pour leur part, «vivre leur ministère en toute liberté» au sein de leur Eglise.

Arrêter les frais

Entre un Conseil synodal qui déplore un «dégât d’image» jour après jour et un pasteur enfermé dans son combat, le mieux serait d’arrêter les frais. Mais qui pourrait ramener tout le monde à la table des négociations? Un nom était sur toutes les lèvres ce jeudi: Béatrice Métraux. La conseillère d’Etat a déjà offert ses bons services mercredi dernier, en organisant une séance de médiation entre Daniel Fatzer et le Conseil synodal. Elle n’a débouché sur aucun accord. Mais la ministre, qui refuse de commenter la situation, se dit aujourd’hui «à la disposition du pasteur comme du Conseil synodal pour reprendre la médiation».

Message entendu par Daniel Fatzer: «Elle m’a dit qu’elle était en tout temps à disposition pour prendre rendez-vous et nous sommes en train d’en discuter avec d’autres pasteurs licenciés.» Le Conseil synodal ne dit pas non. «Il n’est pas exclu que Béatrice Métraux puisse à nouveau être sollicitée, admet son président, Xavier Paillard. Mais nous devrons d’abord nous mettre d’accord sur le cadre exact d’une médiation.» L’attitude adoptée par le pasteur Fatzer depuis une semaine «ne rétablit ni le lien ni la confiance», estime Line Dépraz, membre du Conseil synodal.

Le Conseil synodal indique qu’il pourrait «prendre une décision» en début de semaine. Il est épaulé par la cellule de crise interne (une instance permanente composée de cinq personnes). «Quelques personnes extérieures, dignes de confiance, pour nous autant que pour Daniel Fatzer, pourraient également nous aider si une nouvelle médiation est entreprise», explique Line Dépraz.

Deux visions

Pour l’heure, les visions restent aux antipodes. Le Conseil synodal ne remet pas en cause le licenciement de Daniel Fatzer «avec effet immédiat». Le pasteur trublion a été licencié «pour justes motifs» mercredi de la semaine dernière après qu’il a prononcé le nom d’un collègue congédié et mis en cause nommément un ancien président du Conseil synodal lors d’un culte en direct sur Espace 2. Cette sanction est tombée après plusieurs mises en garde pour des faits antérieurs. «La décision de licenciement était motivée et elle était collégiale, rappelle Xavier Paillard. C’est une question d’équité en Eglise.»

Daniel Fatzer, quant à lui, en appelle à la liberté de parole: «On dit que j’ai été averti, recadré, accompagné, mais le président du Conseil synodal n’est pas un instituteur et cette Eglise n’est pas une salle de classe.» Le pasteur licencié réclame non seulement sa réintégration comme ministre dans l’EERV, mais aussi «un moratoire» sur les licenciements de quatre autres pasteurs intervenus depuis deux ans. Le Conseil synodal a pour l’instant pris acte de ces demandes «uniquement par voie de presse». (24 heures)

(Créé: 24.06.2016, 06h44)

«Il est grave de dicter à un pasteur sa façon de prêcher»

À l’église St-Laurent à Lausanne, le pasteur Daniel Fatzer entame sa deuxième semaine de grève de la faim. Son employeur, le conseil synodal de l’Eglise réformée, campe sur ses positions et maintient son licenciement. Tandis qu’un comité de soutien s’est formé autour de l’homme d’Eglise dans la capitale vaudoise; insolite, l’avocat genevois Marc Bonnant, qui ne place pourtant pas la piété au centre de ses vertus, lui manifeste son appui.

Le Temps: Vous avez rencontré Daniel Fatzer et Jean Chollet, les deux pasteurs de l’église St-Laurent, il y a trois ans, lorsqu’à leur demande, vous avez plaidé la défense de Judas durant un culte. Le spectacle et le spectaculaire sont-ils nécessaires aujourd’hui pour remplir un temple?

Marc Bonnant: Ces deux personnages prônent la joie comme chemin, et non comme but ultime. Leur hédonisme est remarquable. Avec eux, la foi est joyeuse, la profondeur légère et la légèreté n’est pas une futilité. Cela tranche avec l’art de la contention et de la rétention que prescrit le Protestantisme. Un protestant qui rit est une anomalie théologique. Un pasteur gai est un oxymore.

La manière dont prêche un pasteur relève de la liberté d’expression

– Daniel Fatzer est aujourd’hui licencié parce qu’il a, sur les ondes, nommément cité un collègue licencié par l’Eglise. Ne sanctionnez-vous pas son non-respect de la hiérarchie?

– Qu’y a-t-il de plus chrétien que de prendre part à la détresse de son frère? Porter le destin de l’autre, accueillir son espérance, voilà ce que la Bible nous enseigne. Il a bafoué la hiérarchie administrative, pour respecter la parole de Dieu. Rappelez-vous: la loi d’Antigone est plus forte que la loi de Créon.

– Son licenciement devrait donc, selon vous, être suspendu?

– Je ne connais pas le dossier. Mais si c’est sa manière inorthodoxe de pratiquer que l’on sanctionne, je trouve très grave de dicter à un homme de Dieu la façon dont il doit parler de la Foi. Si à ses côtés, comme je l’ai vu dans ses cultes, les hommes et les femmes poussent en hauteur, c’est qu’il fait juste. Si les âmes sont plus tranquilles en sortant de son prêche, que les comportements sont plus harmonieux, le but est atteint. Et la manière dont il le fait relève presque de la liberté d’expression.

– Les deux parties campent aujourd’hui sur leurs positions. Que préconisez-vous?

– Si j’étais Xavier Paillard, le président du conseil synodal, j’irais interroger les fidèles de St-Laurent. J’encourage toujours le dialogue. Lorsque les hommes se parlent, le malentendu est dissipé. Dieu ne nous a pas donné la parole pour dire la vérité, mais pour nouer des rapports harmonieux avec le monde.

Le pasteur Veldhuisen prend sa retraite

Le pasteur Evert Veldhuisen a célébré son dernier culte au temple de Rouillé: « un culte de reconnaissance » donné à l’occasion de son départ dimanche dernier. Le pasteur Guillaume de Clermont participait à la cérémonie. Il est président du conseil régional de l’Église Protestante Unie de France ainsi que les pasteurs et les membres des autres paroisses réformées du Poitou et que les responsables ou leurs représentants d’autres églises et des municipalités. Son mandat s’achèvera au 30 juin. Il a passé dix ans sur le poste de l’Église réformée du canton de Lusignan et il quittera avec sa famille Rouillé fin août pour la région parisienne.

« J’ai souhaité prendre la retraite plus tôt (deux ans) afin de me consacrer pleinement aux recherches en Amérique latine. J’envisage d’apprendre l’espagnol et d’effectuer des séjours d’études dans divers pays. L’objectif est de mieux connaître les nouveaux protestantismes là-bas qui vivent une croissance exponentielle depuis les années 1970. Comptant jusqu’alors à peine 1% de la population d’Amérique latine, les protestants composent à présent environ 15%. »
Son ministère pastoral a commencé en 1988, suite aux études de théologie effectuées en France. Avec sa famille, il était à Saint-Étienne, Alès et Roubaix avant d’arriver dans le Poitou. A côté du ministère en paroisse, il a soutenu en 1995 une thèse de doctorat en Histoire de Religions et est président de l’Association des Pasteurs de France depuis 2008. Il a grandi aux Pays-Bas et immigré en France en 1981. Hélène son épouse et lui ont eu cinq enfants et deux petits-enfants. Leur fils David est pasteur dans l’Ardèche. « Nous nous souviendrons avec reconnaissance des Poitevins qui nous ont bien accueillis et avec qui nous avons pu parcourir un bout de chemin sous le regard de Dieu. »
Un verre de l’amitié a été partagé dans une salle de la mairie.